L’Eldorado de Doré s’expose au Musée d’Orsay.
Parler de Gustave Doré, c’est enfoncer des portes ouvertes. Evoquer son talent est un pléonasme. Un des plus grands artistes français populaires, qui a illustré les plus grands textes : de Cervantes à Rabelais, de Hugo à Balzac et de Edgar Poe à la Bible !
Dix mille œuvres, star du 19eme siècle en Europe, ayant sa propre galerie de vente à Londres, reconnu, honoré… que dire de ce Strasbourgeois surdoué, sans limite de talent, donnant l’impression d’avoir tout vu et capable de représenter l’univers pour tous ?
Ses personnages, paysages, évocations historiques, décors, costumes sont plus que parfaits : exotiques, vivants, nerveux, enlevés, virtuoses, détaillés et romantiques, Doré est presque décourageant de réussite.
Devenu omniprésent dans notre culture, il s’est installé dans notre inconscient collectif. Il a outrepassé nos désirs en terme d’image en montrant tout ce que nous rêvions de voir en terme de chevaliers, de rois et princes, de contes et légendes, de livres célèbres, contes et fables.
Exubérant et inépuisable, comme souvent les autodidactes : dès quinze ans il fait des caricatures à la Daumier dans des revues satiriques, il dessine comme il respire, il est vite capable de peindre ou de sculpter avec la même habileté insolente.
Mais c’est la gravure sur plaque, en pointe sèche, qui va lui offrir de décliner son talent en livres et illustrations qui vont inonder les capitales d’Europe. Il sait graver, mais à l’époque (vers 1850) les ateliers de gravure sont des pépinières de savoir faire qui vont sublimer encore Doré.
Il exécute un dessin à la plume, tout en volume et ombres avec des lavis d’encre aux cinquante nuances de gris, puis il rehausse le tout de quelques touches de lumières blanches.
Alors les artisans graveurs reproduisent exactement l’œuvre qu’ils gravent sur des plaques métalliques, avec pour chaque partie des ouvriers spécialisés : l’un fait les ciels et nuages, l’autres arbres et rochers, un autre les personnages etc..
Le résultat permet d’imprimer des centaines de fois le dessin, et en plus de lui donner une précision et une force particulières, une clarté et des nuances encore plus subtiles qu’avec l’encre et surtout claire et lisible.
Pour aller plus vite les artisans ont des PEIGNES à gravure pour graver les lignes parallèles d’un ciel ou d’un visage par dizaine d’un seul coup ! On comprend alors, avec la qualité de ces ouvriers, la magie de ces gravures (également signées de l’atelier, véritable co-créateur.)
Il ne vous reste plus qu’à regarder « Don Quichotte », « la Bible », « Le capitaine Fracasse », les contes de Perrault, La fontaine, Balzac, Edgar Poe mais aussi les poètes anglais : Byron, Coleridge, Milton …
S’il avait vécu plus de cinquante ans, Doré aurait illustré Shakespeare et même le Mahabarata. A Strasbourg un tableau biblique de six mètres sur dix !!… Une statue de d’Artagnan et de Dumas à Paris.
Doré savait tout faire : évoquer en quelques ombres et éclaircies un ciel d’orage, une foule en pèlerinage, un combat de chevaliers, une tempête dans les arbres, un château sous des éclairs ou une cour fastueuse, des animaux réels ou mythiques, juste comme Daumier et fort comme Durer. Il est l’artiste populaire de qualité par excellence.
Enfin en plus des peintures et sculptures, il a fait des bandes dessinées, mais surtout il présente un sens du cadrage, de la mise en page, de la composition toujours dynamique, frappante et raffinée, qu’aucun photographe même ne peut égaler.
Je vous l’ai dit : Doré est presque décourageant .
Exposition Gustave Doré « L’imaginaire au pouvoir »
- Musée d’Orsay à Paris (75007) du 18 février au 11 mai .