Aujourd’hui c’est un hommage que je vous propose, à une musicienne discrète et brillante dont l’influence est immense, mais dont le nom est resté trop longtemps un murmure : c’est Margo Guryan, qui nous a quittés ce week-end.
Margo Guryan est née en 1937. Sa vie est celle d’une mélomane, amoureuse des structures musicales, des ruptures, des contre-points, de la pop. Elle a grandi dans une famille qui l’a toujours soutenue et qui avait, dit-elle, « une oreille merveilleuse« .
Elle compose ses premières mélodies dès 1959, l’année de son entrée à la très prestigieuse Lenox School of Jazz. Elle y croise l’avant-garde du jazz, de Max Roach à Ornette Coleman ou Don Cherry, avec qui elle découvre l’obsession du jeu, de la création, de la précision. Elle commence à composer des chansons qui sont reprises par d’autres, surprend des pontes du jazz en osant l’inattendu et devient compositrice de jazz pendant quelques années.
Pet Sounds : l’album qui change tout
Et puis sa vie bascule le jour où elle découvre le fameux Pet Sounds des Beach Boys (1966), et plus précisément la chanson “God Only Knows” (que Paul McCartney considère, par ailleurs, comme la plus belle mélodie au monde). Cette chanson va littéralement changer la vie de Margo Guryan, qui réalise qu’elle aussi veut composer de tels morceaux. Si elle a follement aimé le jazz, soudain, elle a aussi envie de composer de la pop.
Margo Guryan se met alors à écrire des chansons pour d’autres interprètes. Des chansons « pop », cette fois. Et en 1968, son ami la convainc de chanter et d’interpréter, à son tour, ses propres compositions – ce qu’elle fera sur un unique album Take a Picture, qui sort cette année-là – unique, parce qu’elle n’en sortira pas d’autres et parce qu’il est visionnaire et novateur.
Take a Picture est une discrète merveille de pop orchestrale qui s’inspire forcément du jazz et de la musique classique, un album d’une douceur folle, d’une intelligence rare… mais qui ne trouve pas son public. Ce sont des choses qui arrivent : le disque fait un flop.
Le succès grâce aux autres
Et si le morceau « Sunday Morning » sort du lot… c’est grâce à d’autres interprètes, dont Spanky and Our Gang ou Marie Laforêt dans une adaptation française.
La suite, Margo Guryan l’écrit ailleurs, en changeant de voie. Mais le hasard, qui est parfois heureux, replacera des décennies plus tard son disque entre les mains de collectionneurs. Dans les années 90, une copie pirate commence à circuler au Japon, un label américain se dit qu’il y a une carte à jouer, lui propose une réédition et là, l’alchimie opère. Enfin, ce disque est entendu par le public, mais aussi par des artistes comme Beck, Mazzy Star, Shirley Manson, toute une nouvelle garde de la pop qui va y puiser un tas d’inspiration.
Pour autant, Margo Guryan ne sortira aucun autre album, si ce n’est quelques démos qui seront rééditées plus tard. Alors, après sa mort intervenue ces derniers jours (le 8 novembre 2021), il nous reste ce disque à chérir, ses compositions à fouiller, son talent à mesurer.