Pourquoi il ne faut pas aller voir son exposition.
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Avec l’exposition d’Edward Hopper, le peintre pépère des posters et des cartes postales, vous allez vous farcir des tombereaux de clichés sur la sérénité, la beauté, la lumière et la philosophie de l’Americana, cette Amérique justement des mensonges, d’un American way of life qui n’a jamais existé …
Parfait pour décorer le salon ou la salle à manger
Vous avez tous vu l’image « Nighthawks » d’un couple de nuit attablé au comptoir dans un dinner, avec sa machine à café chromée : un angle de rue, une baie vitrée, une lumière au néon, et ces faucons de la nuit, qui n’ont rien de rapaces, juste des victimes de l’ennui et la solitude des grandes villes américaines déshumanisées, dont Céline disait toute l’abomination mécanique de fourmilières industrialisées…
Pire : Edward Hopper, illustrateur classique américain, totalement imperméable aux mouvements de peintures de son époque (pointillisme, impressionnisme et surtout fauvisme puis expressionisme) va inlassablement peindre des paysages tranquilles pépères et surtout des maisons blanches en bois sous un ciel bleu, j ‘exagère à peine la répétition – presque en série – de ces images à succès qui évoquent les vacances et le grand air… Quelle ambition !
Parfait pour décorer le salon ou la salle à manger, c’est calme, ça ne gène personne, ça repose. Le tout en couleurs calmes, avec de grands à plat délavés, comme passés à la machine..
Ni vibration, ni transparence.
Les critiques parisiens se pâment devant ces images simplifiées pour drugstore, avec des mots creux comme « transcendantalisme », « formalisme », se contredisant à chaque ligne.
L’hypocrisie paisible.
Avec son allure de fonctionnaire de banque, Hopper ne mouille que sa palette donc, sans risque ni imagination, avouant qu’il est « étranger aux êtres humains ».
Ces images sont idéales pour ceux qui veulent apprendre à peindre académique (cour de première année : peindre par à plat, bien mis en place), voire ceux qui n’aiment pas la peinture, la grande, celle qui surprend par sa manière et pose des questions difficiles.
Enfin Hopper cache mal son puritanisme et ce qui va avec : méfiance, pessimisme, peur des femmes (mais avec une touche de voyeurisme refoulé, elles sont toujours girondes et une peu dénudées), les rares couleurs vives, comme le rouge, ne sont là qu’en contrepoint (couleur complémentaire ou si vous préférez, opposée, du bleu facile dont il abuse), pour réveiller – mais à peine- ses compositions statiques, ennuyeuses, assoupissantes…
L’hypocrisie paisible.
Cet homme craint le diable et ses passions, c’est classique .
Enfin, lorsqu’on évoque à son sujet le poète Emerson (et j’ajouterai Walt Whitman), on est bien loin des exigences, de l’idéalisme échevelés des ces écrivains.
Si vous voulez voir un peintre américain de cette époque, vraiment lyrique, populaire et qui, lui aussi, ose l’imagerie précise de l’illustration, découvrez : THOMAS HART BENTON (ci-dessus), un vrai bon, inventif, hors du bon-goût, et qui fut le professeur de Jackson Pollock .
Sans rancune Edouard ? Rien de personnel…
Exposition EDWARD HOPPER
Grand Palais, Paris
Du 10 Octobre 2012 au 28 janvier 2013