Si les statistiques contribuent régulièrement à rappeler le gouffre de les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes dans le cinéma, son histoire vient tout aussi régulièrement rappeler qu’elle ne s’est pas uniquement écrite au masculin, qu’a défaut de s’être inscrites pleinement dans les encyclopédies, des francs-tireuses ont émergé.
Souvent avec plus d’aplomb et d’inventivité pour questionner leur époque et ses valeurs que leurs collègues hommes.
Ainsi Ida Lupino, actrice de studio s’émancipant dès la fin des années 40 pour se réinventer productrice, scénariste et surtout réalisatrice. Elle signera huit films, s’emparant des codes du mélo ou du film noir, pour prendre la parole autour de thèmes alors tabous, du viol aux grossesses non désirées en passant par la sexualisation des femmes.
La force du cinéma de Lupino étant sans doute de mettre à l’écran une conscience féministe tout en utilisant les méthodes du cinéma fait par des hommes. Quatre de ses opus, Le voyage de la peur, Avant de t’aimer, Faire face et Bigamie, ressortent en salles cette semaine. Portrait d’une fille mère, d’une malade de la polio ou d’un homme partagé entre deux femmes, tous surprennent par cette volonté de raconter à travers des parcours peu ordinaires le monde quotidien tel qu’il est, d’exprimer la difficulté du libre arbitre.
Une ligne éditoriale renforcée par une mise en scène tout en efficacité, allant à l’essentiel, mais réussissant a entremêler romanesque et regard quasi-documentaire. Pour pouvoir assumer son besoin d’indépendance, Lupino avait créé sa propre société de production ; nommée The filmmakers. À redécouvrir, ses films, réinvention d’un cinéma social tout en restant éminemment populaire, on se dit qu’elle l’avait parfaitement choisi, en donnant un nouveau sens à ce que voulait dire faire des films.
Reprise en salles depuis le 20 septembre.