Il y a cinq ans, le mouvement des Gilets jaunes démarrait en France. Pour Steven Monteau, ce fut le début d’un projet photographique bien particulier : il a construit un appareil photo argentique à partir de grenades policières.
Il est vraiment bizarre cet appareil photo… C’est le moins qu’on puisse dire puisqu’il a été réalisé avec des armes de la police. Un appareil de fortune composé de différents éléments de munitions usagées, grenades lacrymogènes, essentiellement. Il a tout, les leviers qui entraînent la pellicule, la chambre noire, le viseur. Seule la lentille, en plastique, n’a pas été trouvée sur une arme de la police. Depuis quatre ans maintenant, Steven Monteau, son créateur, documente les luttes sociales avec son engin siglé « PRESS ».
Avant d’imaginer construire un appareil photo, Steven songeait à récupérer les restes des armes policières sur les manifestations des gilets jaunes pour décorer des sapins de Noël, puis les vendre aux enchères pour contribuer à financer les frais de santé et de justice des manifestant.es blessé.es ou condamné.es. C’est ce que le jeune homme raconte à Vice Belgique, qui publiait il y a quelques jours une interview du Bordelais.
L’idée de l’appareil photo est arrivée après. Un jour, un manifestant perd un œil et Steven est particulièrement troublé par cet évènement. Il raconte avoir placé un projectile devant lui, au niveau de son arcade sourcilière, « pour s’imaginer ce qu’un impact à haute vitesse pouvait faire ». C’est comme ça que naît l’idée de réaliser un appareil photo avec des munitions de CRS. C’est cet événement qui lui a donné l’idée d’utiliser la balle comme un viseur d’appareil photo.
Et les photos alors, comment sont-elles ?
Compte tenu de la précarité de l’appareil, il y a beaucoup de fuites de lumières, l’utilisation de la pellicule est aléatoire, le déclencheur n’est pas très fiable, on peut raisonnablement s’attendre à des photos médiocres. Il n’en est rien, en fait, elles sont exceptionnelles, atypiques aussi. La technique derrière ces images sur le vif doit être pointue. Des photos en noir et blanc, aux coins assombris. Steven parle d’une ambiance de manif et c’est tout à fait ça. Des images brulantes, pressées. C’est similaire à ce qui arrive en plissant les yeux dans un nuage de fumée. On a une impression de vieilles photos du début du siècle dernier, type daguerréotype, si ça vous parle. Impossible de les décrire davantage ici, le mieux est de vous conseiller le compte Instagram de Steven Monteau pour vous faire une idée.
Avant les Gilets jaunes, le jeune homme animait un collectif de photo et vidéo expérimentales bordelais nommé Le Volcan, « pour la défense de la contre-culture », centré autour du réemploi et de l’économie circulaire. Steven photographie désormais les manifestations, assume de lutter « contre le système », comptabilise plus de 3 000 abonnés sur Instagram dont certains lui demandent des tirages et il serait même « Fiché S », comme le suggère son profil…