À un trajet d’Eurostar de chez nous, un courant de la house né dans la première moitié des années 90 vit un second âge d’or.
Du nouveau sur les dancefloors outre-manche. La compilation All Thru The Night annoncée pour le 29 mars prochain, a été assemblée par le producteur et DJ Interplanetary Criminal, qui l’année dernière enflammait les clubs anglais avec son hit incontournable, “B.O.T.A. The Baddest of Them All” en compagnie de la productrice Eliza Roze, récoltant au passage des centaines de millions de streams sur les plateformes. Cette somme de 15 titres a pour fil rouge un courant de la musique éléctronique britannique née dans les années 90 avant de s’essouffler au début des naughties, le UK Garage.
De Paradise à UK
Rembobinons un peu. Le terme “Garage” est tiré du nom du club, temple de la dance music new-yorkais, le Paradise Garage, ou est né un courant de la house localisé à la Big Apple, la Garage House (ou NY Garage), proche du disco, composé de samples vocaux emplis de soul, du socle rythmique répétitif de la house, et parfois de quelques touches de piano.
Puis, toujours dans ce même paradis des clubbers, le tempo va s’accélérer et des percussions vont rentrer en jeu. Breaks, échantillons de batterie et tapotement viennent ponctuer les kicks du Garage, pour devenir le Speed Garage, aussi influencé par le côté joueur de la jungle et du reggae, des coups de feu, des sirènes de polices et autres gimmicks sonore qui enrichissent ses productions.
Ça donne du cachet aux morceaux, ça introduit un récit urbain aussi (le bruit des armes comme le pin-pon des caisses de flics rappellent l’ambiance de l’environnement dans lequel ce genre a pris corps), et puis ça fait marrer la foule qui danse. C’est ce penchant de la house music qui va trouver refuge dans les clubs anglais, dans la première moitié des années 90, pour muter en UK Garage.
United Kingdom of Garage
Sur l’archipel, le garage va incorporer de nouveau éléments, comme le 2-Step, un genre qui fait lui aussi son grand retour de nos jours, et que l’on peut même entendre dans les instrumentales de rappeurs français actuels comme Kekra et son “9 Milli”, ou Orelsan pour “Dans ma ville, on traîne”.
Vous l’avez compris, UK Garage, c’est plus un courant qu’un genre proprement défini que chacun peut enrichir en y ajoutant des éléments sonores, à condition de garder cette rythmique syncopée, qui donne le côté bondissant au genre et ces voix samplées.
Au Royaume-Uni, le mouvement perd de sa popularité au cours des années 2000. On se moquait de l’aspect parfois too much des voix, et les événements associés au genre étaient cible de violence, ce qui motivait l’opinion publique à les diaboliser. De plus, un sous-genre lui-même né de l’ADN du UKG était en train de prendre de plus en plus de place sur les radios pirates et les soirées de l’underground british, le grime, d’abord instrumental (voir Musical Mob – Pulse X), puis portée par des emcees comme Wiley ou Dizzee Rascal.
Le genre ne disparait pas totalement de la carte pour autant. On pouvait croiser en soirée des connaisseurs portant le T-Shirt “Jesus Loves Uk Garage” que portrait le DJ américain Todd Edwards lors de sa venue en Angleterre en 2003, et les DJs britanniques gardaient toujours quelques cartouches à dégainer au moment opportun, mais ces moments se faisaient plus rare. Du moins jusqu’à récemment.
Un Garage rénové
Comme le note le média chroniqueur des musiques électroniques et de ses mouvements, Resident Advisor, le mouvement UKG (UK Garage), connaît actuellement un important regain d’intérêt. Depuis 2019, à un trajet d’eurostar de chez nous, des dizaines de labels spécialisés ont vu le jour, les événements UKG émergent sous forme de clubnights et de rave, dans des dispositifs légaux ou non, et les classiques du genre sont accueillis par des applaudissements et des cris de joie quand ils rafraichissent un DJset.
Bien qu’il soit difficile d’expliquer exactement pourquoi, on peut par contre émettre plusieurs théories à ce sujet, la première étant que comme la grime, le rap UK sous fond d’électronique connait une seconde jeunesse, avec le come-back en force de Skepta, et des emcee deuxième génération comme Stormzy, il lui fallait donc un penchant soulful pour contrebalancer sa présence en club.
La deuxième, c’est tout simplement que la musique et ses tendances sont cycliques, ce qui est démodé peut toujours revenir au gout du jour. Comme le rap français qui est revenu plus fort que jamais après une période plus creuse dans les années 2000 (même s’il n’a jamais arrêté d’être écouté, il prenait juste moins de place dans l’espace médiatique).
All Thru The Night
Cette revitalisation du penchant UK du Garage ne se manifeste pas que par un dépoussiérage des golds du genre. De nouveau producteur s’y intéressent dans la scène club anglaise actuelle, et c’est à ce casting-là qu’Interplanetary Criminal fait appel dans sa compilation. Pour l’heure, Ollie Rant, et Ell Murphy sont les seules figures annoncées, mais 12 autres noms s’ajouteront à la liste d’ici au 29 mars prochain.
Vous pouvez déjà vous brancher sur un avant-gout de cette sortie, disponible à l’écoute sur le SoundCloud du label Locked On, et maintenant que le UKG est de retour, est-ce que l’on peut espérer un second souffle pour le rap musette, ou le hip-hop celtique de Manau ?
Non, je suis le seul que ça chauffe ?