Un Pad qui actionne des moteurs qui frappent des bouteilles ou font vibrer des vibromasseurs, un clavier fait de ressorts à banque d’effets, un autre de roues de skate… Voilà ce que l’on trouve dans le laboratoire d’un luthier fascinant nommé Archil, qui fabrique des instruments électro-acoustiques uniques.
Si Archil voulait tordre le cou aux clichés des musiciens ingénieurs du son fous qui passent des nuits entières dans une grotte de studio, sans voir la lumière du jour, c’est raté. Il incarne parfaitement le personnage de créateur passionné (et passionnant), qui voit dans les sons du réel autant d’opportunités de créer de la musique. Il faut courber l’échine pour descendre le sombre dédale de marches qui mène aux caves de ce sous-sol parisien dans lequel Archil nous a convié pour découvrir ses instruments fantasques. Une fois passée la porte insonorisée, on pénètre une vraie caverne aux trésors.
Désosser son clic-clac pour le mettre en musique
La petite pièce est remplie d’instruments en tous genres : des pads sur lesquels se dressent des ressorts de toutes les tailles, d’autres sertis de roues de skate, des instruments à cordes non-identifiés… « J’ai commencé à fabriquer des instruments il y a 6 ans, se souvient Archil. J’habitais un tout petit studio avec un clic-clac, et quand je l’ouvrais, ça faisait des sons incroyables. » Alors, il désosse son canapé, fait de la récup’ dans les rues de Paris, commence à bricoler et crée son premier prototype : le Springophone.
Instruments bizarres pour musique pas bizarre
Il ne s’agit pas de faire une « simple » noisebox et d’activer les ressorts en acoustique. Archil veut créer un instrument élaboré, avec un contrôle MIDI, qu’on peut jouer dans des compositions. Il accorde donc ses ressorts chromatiquement et intègre au socle des micros et des filtres, transformant les résonances des ressorts en « des sons de l’espace », avec distorsion, delay, cutoff… « Ce serait presque plus simple de faire des instruments destinés uniquement à de la musique expérimentale, il sourit. Le challenge ici, c’est plutôt de les penser pour de la pop alternative. »
Christophe, Albin de la Simone, le succès des instruments du Archil Lab
Ces créations bizarroïdes restent d’abord un passe-temps pour celui qui signe des productions pour des artistes comme Crystal Murray (il est à la prod de son titre « Princess »), des marques comme Vogue ou Hermès et compose aussi avec son binôme sous le nom d’Archil & Leon. C’est pendant le confinement que les instruments d’Archil rencontrent un public de musiciens en quête de sonorités, profitant de l’arrêt du monde pour composer. Ils sont alors de plus en plus à suivre avec attention les expérimentations du producteur qui transforme les battements de son cœur en un beat très groovy grâce à un stéthoscope devenu Stétophone, ou la vibration d’un dildo devenu Dildophone. Archil reçoit des commandes des États-Unis, d’Italie et de plusieurs pays européens. Il travaille avec un sérigraphe, un atelier bois, puis une usine pour les circuits imprimés. Il fabrique un Springophone « rouge ferrari » pour Christophe, peu avant sa mort. C’est aussi lui qui est à l’origine de l’étonnant instrument avec lequel Albin de la Simone est arrivé dans nos studios il y a quelques semaines. Son « Poet Pilot« , un contrôleur de moteurs en tous genres, a séduit l’artiste italien Davide Dileo qui mêle le piano classique et l’électronique.
Archil ne sait pas vraiment s’il est la risée des luthiers ou un genre de génie. Il connait d’autres adeptes de la « lutherie sauvage », d’idées farfelues conçues en exemplaires uniques. « Je ne sais pas comment les luthiers me voient, mais je fais ce qui me plait et j’ai l’impression que ça résonne chez pas mal de gens ». Après être allé très loin dans la MAO, ce retour à l’organique est une quête de beaucoup d’artistes. Au micro de la matinale de Nova, Albin de la Simone évoquait « le côté très indirect » des boites à rythmes classiques, ajoutant qu’il « avait vraiment besoin » d’un retour à l’électro-acoustique. « La musique, elle est partout autour de nous, s’émerveille Archil. N’importe quel son, n’importe quel bruit peut être source de musique. Fabriquer de l’électro-acoustique, de l’électro-mécanique, même, donne un aspect poétique à la musique électronique. »
Laboratoire à expérimenter au Pop Up du Label
Sur scène, Archil & Leon ouvrent leur laboratoire au public, vous pourrez donc voir s’animer le Lab et jouer des ressorts et du cœur, en live au Pop Up du label, le 28 juin prochain.