Et si l’administration publique était équipée de « pompes » réglées sur l’énervement de ses usagers ? C’est l’invention brillante de cette étudiante du master de création littéraire du Havre, qui entend « recycler » nos colères face aux délais d’attente délicieusement longs.
Elle déclare, non sans panache, aimer « les bus de banlieue et les opossums ». Elle aurait dédié ses trois dernières années à enseigner le français dans une classe d’accueil pour adolescents non-francophones de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Étudiante du master de création littéraire du Havre, elle écrit désormais un roman dont l’un des personnages est « une assistante sociale au bord du burn-out ». Voici l’essentiel, à ce jour, des pièces que nous pouvons verser au dossier concernant notre invitée du soir répondant au nom d’Iris Kooyman. Dernier élément, peut-être décisif : l’intéressée aurait visionné dans son enfance, à de très nombreuses reprises, Les douze travaux d’Astérix. Rappelons que ce long-métrage d’animation des années 70, qui catapulte nos Gaulois dans un pastiche sous LSD de la mythologie grecque, possède l’une des plus jouissives allégories des tortures labyrinthiques de l’administration que la culture francophone, sous toutes ses coutures, ait pu engendrer à ce jour ; nous pensons bien entendu à la huitième épreuve, celle de « la maison des fous », à la recherche du fameux laisser-passer A-38.
Est-ce en souvenir des sévères pétages de plomb d’Astérix et Obélix aux différents guichets de cet établissement romain qu’Iris Kooyman a eu l’idée révolutionnaire qui fera chauffer, à plus d’un titre, les neurones du futur ? Ou cela provient-il, comme le veut la rumeur, d’une fréquentation excessive de la préfecture de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ? Difficile de statuer. Toujours est-il qu’on lui doit la création d’une start-up en énergies renouvelables, « Tech-Heat », délivrant un système breveté de pompes « réglées sur l’énervement » généré par des délais d’attente délicieusement longs, des agents du service public remarquablement inattentifs ou des pièces à fournir savoureusement indisponibles. Pompes qui permettent « de chauffer les bâtiments d’un quartier grâce aux particules dégagées par la colère ». Le succès semble inévitable.
Notons qu’Iris Kooyman est aussi à l’origine, au cours de cet épisode, de plusieurs autres inventions brillantes : « le méthaniseur à crises conjugales, qui absorbe toutes les rancœurs, les non-dits et les exaspérations du quotidien afin de produire du gaz naturel », « la turbine managériale, afin de subir injonctions contradictoires de votre n+1, mais pour la bonne cause », ou encore « l’embrouillegorithme, qui enferme des personnes choisies au hasard dans une pièce, où une intelligence artificielle leur fournit des sujets de disputes – le végétarisme, l’avortement, « pas tous les hommes », les vaccins ou le travail du sexe –, au cas où la production énergétique s’effondrerait ». Le prochain concours Lépine promet d’être chaud-chaud.
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour réécouter les travaux de la Professeure Postérieur évoqués dans cet épisode, c’est ici : https://www.nova.fr/news/professeure-posterieur-demain-la-danse-fera-tourner-le-monde-41032-30-09-2020/
Image : Les douze travaux d’Astérix, de René Goscinny & Albert Uderzo (1976).