Il y a cette légende, urbaine ou mondaine — tout dépend où et avec qui on en parle —, qui assure que le premier album de Manu Chao, très culte pour beaucoup de monde et notamment ici chez Nova, avait vu, à la fin de la décennie 1990, sa destinée métamorphosée parce que l’ordinateur qui contenait les rushs initiaux de l’album à venir — celui qui allait devenir Clandestino —, s’était mis à planter, et donc, à égarer les fichiers qu’il contenait de manière définitive. L’album devait sonner « techno hardcore ». Il sonnera, plus épuré et pourvu d’une orientation nouvelle, sono mondiale.
Pourquoi parler, maintenant tout de suite, de Mano Chao et des appareils électroniques qui crament ? Parce que des histoires de disques dur qui défaillent — qui disparaissent en l’occurrence, et avec des sessions d’enregistrement entières dedans — il en est arrivé une également à Isaac Delusion, ce groupe qui associe à la musique pop les termes de « dream » — parce qu’il est vrai qu’on rêve fort en écoutant cette pop-là —, et qui a donc vu la sortie de son troisième album largement retardé par ce contre-temps matériel…
Perdre du travail comme ça, par la faute d’un ordi qui lâche ou d’une feuille de papier qui s’envole, et ça vous êtes sans doute quelques-uns à connaître la situation, c’est certainement l’une des plus grandes détresses que puisse connaître celui qui créé, et qui a pour ambition de partager son travail aux yeux, aux oreilles, à l’âme des autres. Uplifters, troisième essai donc du groupe parisien après Isaac Delusion (2014) et Rust & Gold (2017) aurait pu, et comme chez Manu, prendre le revers de ce qu’il était initialement, s’envoler très loin des ambitions de départ, partir autre part. Il n’en est rien. Sûr de leurs forces, les membres du groupe se sont accrochés, ont gardé des sourires plein leur pop, ont surfé sur la vague de vibrations positives qui les avaient porté, déjà, sur leurs précédentes productions. C’est ce qu’on aimait déjà chez Isaac, c’est ce que l’on aime toujours.
Des vibrations positives, mais le paradoxe est là quand même : un spleen qui coule lentement derrière. Pas de ton sur ton chez Isaac, c’est pas le genre, que ce soit sur le grave et léger « Pas l’habitude » (dont le clip est inspiré par des teen movies américains), sur la relecture douce et acide du « Couleur menthe à l’eau » d’Eddy Mitchell ou du très entraînant « Fancy ». Le duo fondateur du groupe, Loïc et Jules, décrit ainsi ce disque comme « un hommage au toi d’avant » : le ton y est nostalgique, mais comme souvent dans le traitement français de la pop anglo-saxonne, cette mélancolie se cache derrière des arrangements solaires et légers. En anglais, « uplift » signifie élever, qu’il soit question de l’esprit ou de l’âme. En appelant leur nouvel album Uplifters, Isaac Delusion s’attribuaient ainsi la tâche d’élever à la fois notre humeur et la pop française. La mission est amplement réussie.
Nova vous offre des exemplaire de Uplifters grâce à son chouette jeu-concours ci-dessous. Le mot de passe est à dénicher sur la page fb Nova Aime !
Visuel © René Habermacher