Le duo hip hop instrumental anglais nous parle de son dernier album qui sonne comme un retour à la base
Quand certains ne voient dans le hip-hop que de longues suites de boucles répétitives découpées comme des sagouins, Jake Wherry et DJ Ollie Teeba lui redonnent ses lettres de noblesse en lui conférant une dimension pleinement instrumentale. Après quelques incartades funky sur leurs deux dernières galettes, Herbaliser opère un retour aux sources avec There were Seven, album plus sombre qui renoue avec les instrus des premières années. Jake Wherry s’est mis à table pour l’occasion ; il nous balance sur cet album.
On sentait une orientation très funky à l’écoute de vos deux précédents albums alors que votre dernier, There were Seven, revient vers un hip-hop plus sombre, avec une utilisation d’effets plus importante ?
On voulait faire un album plus sombre que les précédents avec des guitares fuzz et d’autres effets afin de donner une dimension psyché à certains titres. Le morceau de reggae est né à partir d’une ligne de basse qui me faisait penser à du ska. On a été agréablement surpris par le résultat, il y avait quelque chose d’authentique qu’on voulait garder. Mais c’est vrai que nous allons essayer d’explorer cette nouvelle facette de notre son, avec plus d’effets.
Le sample est une pièce maitresse dans notre son
Herbaliser est avant tout un binôme ; comment travaillez-vous ensemble ?
Ollie et moi avons développé une amitié principalement à travers le travail… on se connait depuis 19 ans avec de très bonnes comme de moins bonnes expériences. Quand je commence un disque, j’ai parfois le syndrome de la page blanche alors qu’Ollie est bien plus vif pour ce genre de choses. En fait, nous sommes vraiment complémentaires. Il a un background musical un peu différent du mien, je dirais qu’il est à 70% hip-hop, 30 % funk/jazz, moi étant plus musicien je suis plus 70% funk and jazz, 30% Hip-hop.
En tant que groupe instrumental de hip-hop, vous avez la possibilité de vous détacher du sample mais on peut encore en entendre sur le dernier album (Par exemple sur The Lost Boy où l’on peut entendre Boogie Man de Crystal Mansion) ; le sample reste une inspiration pour vous ?
Le sample est une pièce maitresse dans notre son même si on en utilise moins aujourd’hui. On préfère le réinterpréter afin de pouvoir mieux le modeler dans le morceau, il est aussi plus cohérent du coup. Il était bien plus présent dans nos premiers albums qui étaient bien plus instrumentaux. Mais c’est aussi une source d’inspiration dans la texture sonore, quand on joue live on essaye de sonner comme si on utilisait des samples, dans leurs aspects poussiéreux et datés.
Vous avez révélé de très bonnes MC comme que Jean Grae, mais on entend moins de voix féminines dans vos derniers albums…
En réalité, nous aimons travailler avec pléthore de MC et ce sont souvent les rencontres qui déterminent nos featurings, cela nous donne aussi une palette plus riche de possibilités. Dans le cas de Jean Grae, comme beaucoup d’autres, elle est devenue plus connue avec sa propre carrière à gérer. Les collaborations sont plus difficiles à mettre en place. Mais c’est souvent l’occasion qui fait le larron.
Justement, comment avez-vous rencontré le duo canadien Twin Peaks ?
Il y a à peu près cinq ans, Ollie passait des disques à Halifax et Ghettosocks (un des Twin Peaks) se trouvait dans la salle et ils ont discuté d’une collaboration. On lui a alors envoyé quelques beats et ils sont venus poser leur flow. On avait déjà bossé avec eux sur March Of The Dead Things, donc on savait à quoi s’attendre. Et il sera avec nous sur la tournée.
Pour cet album, vous avez créé votre propre label ; qu’est-ce que cela vous apporte ? Vous n’auriez pas pu le faire sous Ninja Tune, un de vos premiers labels ?
Ninja Tune s’est éloigné de son son originel depuis quelques temps et on se sentait moins à l’aise avec leur nouvelle orientation, plus axée sur l’électro alors qu’on sortait Same As It Never Was, un album plus funk. Pour There Were Seven on a senti qu’on pouvait se passer d’une maison de disques. On voulait aussi se rapprocher plus de nos fans, éliminer les barrières.
Souvent, nos titres ne sont que des bandes originales de scènes orphelines d’un film
Vous êtes le plus cinématique des groupes de hip-hop… la musique de film c’est un peu votre pêché mignon ?
Souvent, nos titres ne sont que des bandes originales de scènes orphelines d’un film. Avec Ollie, on a grandi dans les années soixante-dix et on trouvait les musiques de séries et de films complètement dingues, bourrées d’orchestres et de sons assez funky. Ces sons ont eu une énorme influence sur nous et on essaye à travers notre son de faire transpirer notre amour du hip-hop et des musiques de films et Library (musique d’illustration).
Vous roulez votre bosse dans le hip-hop depuis pas mal d’années, vous pouvez nous parler un peu de cette scène anglaise ?
En tant que groupe instrumental, on est un peu resté en périphérie de la scène anglaise mais on a assisté à l’émergence des premiers MC comme Derek B, les London Posee ou les Demon Boyz et les années 90 avec Roots Manuva, Mark B et Blade. Le métissage avec la communauté jamaïcaine a conféré au MCing anglais un son assez spécifique. Au début, ils avaient tendance à vouloir faire du hip-hop américain et ça ne sonnait pas mais quand ils ont pris conscience de cette richesse, ils ont trouvé leur voix et ça a fait notre originalité face aux autres. Mais pour moi, Roots Manuva et Rodney P représentent le vrai hip-hop anglais et ils déboitent.
En concert le 5 décembre à Paris à la Gaîté Lyrique.