Un studio d’enregistrement est niché dans la grande prison de Douala, au Cameroun. Au bout d’une allée de cellules, les détenu‧es construisent parfois une véritable carrière musicale.
Une prison surpeuplée, des détenus en attente de procès
Le reportage nous raconte une prison surpeuplé, celle de New Bell, où ils seraient 70 % à être en attente de procès, comme un certain Steve Happi. Steve a perdu son père, et le média Pan African Music nous apprend que sa famille respecte la tradition animiste, tradition qui veut que l’on décapite le défunt pour l’enterrement. Steve suivant, lui, une tradition chrétienne, décide d’enterrer son père secrètement, contre les volontés de sa famille. Famille qui décide alors de le poursuivre pour meurtre. Dans l’attente du procès (qui reconnaitra qu’il n’a pas commis de meurtre) : direction la prison avec son frère pour de longs mois avant d’être innocenté.
Il trouve là-bas d’autres détenu‧es, en attente de procès, nous raconte le grand reportage de Christian Askin, pour Pan African Music. Certains ont été arrêtés pour avoir été dehors sans leurs papiers, ou pour avoir fumé du cannabis dans la rue. À Douala (comme ailleurs), ces détenus vulnérables deviennent vite des criminels endurcis, notamment à cause du manque de supervision et des conditions de vie médiocres.
De la musique dans la prison
C’est ce même Steve qui a monté un studio d’enregistrement, dans la prison, en 2018. D’abord, avec des téléphones de contrebandes, il écrit et rappe sur des prods un peu crades. Seul d’abord, puis avec d’autres détenus. Bientôt, naît un véritable crew : « La meute des penseurs ». Steve Happi dit « qu’il n’y avait aucun moyen de s’exprimer à part les émeutes ou l’église« . Lui, il avait le rap.
Le crew reste secret jusqu’à ce qu’une dénommée Cil, artiste italienne et bénévole d’ONG, visite la prison et repère le collectif d’artistes. Cil va alors aider La meute des penseurs à enregistrer et sortir un premier projet. C’est ainsi que le studio d’enregistrement Jail Time Records naît.
Bonne nouvelle, la prison autorise l’installation du studio : un clavier MIDI, deux micros, des enceintes et de l’esprit. Jail Time Records ont collaboré avec des artistes de Douala et du monde entier. Ils ont même joué en France, pour ceux qui sont sortis, comme Steve, libéré en décembre 2019. Les Jail Time Records rassemblent rappeurs et rappeuses, comme la Nigériane Jeje, qui a tourné son clip dans l’aile réservée aux femmes de la prison. Le label organise aussi des événements musicaux dans le pays.
Un concept qui se propage localement et à l’international
Depuis sa fondation en 2018, Jail Time a également ajouté un autre studio à l’extérieur de la prison, à Douala, servant de voie de réinsertion où les ex-détenus trouvent un endroit pour continuer leur travail, s’appuyer sur les fondateurs pour obtenir de l’aide et trouver une certaine stabilité. Certain‧es ont comme cela lancé des carrières musicales.
L’année dernière, Jail Time Records a été lancé en tant que label avec un studio à Douala et a commencé à organiser des festivals, des événements de musique en direct. Avec plus de 2000 abonnés sur la chaine Youtube, plus de 12 000 sur Instagram, Jail Time Records a ouvert la voie et a depuis ouvert d’autres studios dans d’autres prisons, comme à Ouagadougou, au Burkina Faso, ou à Ngoma, au Cameroun. On peut citer depuis d’autres initiatives similaires, comme celle du rappeur Common, qui a, lui aussi, ouvert un studio dans une prison de l’Illinois. En France, la prison de Vezin-le-Coquet près de Rennes a installé le sien il y a quelques années.