On a discuté avec Lightning, qui compose et arrange la plupart des morceaux de la première chanteuse virtuelle française.
Lightning découvre Alys en mars 2015. Lui est un guitariste bien réel, elle, une chanteuse virtuelle. À l’époque, Sébastien Fontaine de son vrai nom enregistre pour Daniel Facérias. « Un ami à lui, producteur, est venu lui rendre visite. Pendant la session, après avoir écouté mon style de jeu, il m’a dit qu’un projet de chanteuse virtuelle était en train de se monter et que ce que je faisais pourrait leur plaire. » Derrière ce projet, l’équipe de Voxwave.
Une entreprise française créée en 2014 par Joffrey Collignon, qui donnait naissance il y a quelques années à deux chanteuses, Alys et Leora. Alys est leur tête d’affiche. « Elle est née le 10 mars 2014. À la base, il y a un côté adolescent dans le concept. On est assez plongé dans la pop culture japonaise et américaine, et l’idée était de créer un personnage positif qui représente un peu tout ça. » explique Joffrey Collignon. La chanteuse fait 1m65, elle peut interpréter des chansons en français, anglais et en japonais.
Un phénomène déjà bien installé en Asie, puisque dès la fin des années 90 en Corée du Sud, le premier artiste digital voit le jour. Il s’appelle Adam, et sortira deux albums.
Voxwave a pour projet d’aller plus loin. « L’idée, c’était de créer des chanteuses dont les attributs appartiennent au public », explique Joffrey Collignon. Le public peut écouter leur musique, les voir en concert, comme ce fût le cas en décembre dernier au Trianon pour Alys, mais bénéficie d’une expérience élargie, puisqu’il peut agir sur l’univers artistique de ces chanteuses. Et cela passe notamment par les compositeurs.
Alys sortait son troisième album cette année. « Le premier en 2015 s’appelait Éveil, le deuxième en 2016, Espoir, en 2017, Émancipation, ça correspond à l’évolution du projet, ce qui vient aussi du fait que j’ai fait normal sup, j’ai une conception un peu intello du projet. (rires)» nous glisse Joffrey Collignon. Derrière chaque morceau, des compositeurs bien réels. Voxwave ne fait pas dans l’intelligence artificielle, bien que l’AI soit de plus en plus autonome dans la création musicale, notamment grâce aux expérimentations de Google.
Un terrain de jeu pour les compositeurs
Pour le fondateur de Voxwave, les chanteuses virtuelles sont un nouveau terrain d’exploration pour les compositeurs. « Il s’agit de jeunes professionnels ou de gens qui travaillent dans leur coin, qui n’ont jamais mis en valeur leur musique ». Lightning, lui, a une carrière solo en parallèle de ses travaux avec Alys. Il signait sur le label japonais Kirakira Record en 2015 et travaille également avec une chanteuse bien réelle, Ne-Chansan.
Il explique pourtant : « Alys reste et restera la seule chanteuse virtuelle avec laquelle j’ai envie de travailler car contrairement aux autres projets virtuels, Alys permet de rassembler une grande communauté d’artistes, tous domaines confondus. Contrairement aux chanteuses virtuelles qui ont leur créateur attitré, avec elle, tout artiste peut exister. »
Pour lui, travailler avec une chanteuse virtuelle a différents avantages : « Elle peut atteindre des tonalités qu’un être humain ne peux pas atteindre (…) J’écris d’abord la musique avant de penser au chant, que ce soit pour la chanteuse virtuelle ou réelle. Là ou cela devient plus facile, c’est que la chanteuse virtuelle n’a pas d’ego contrairement à la chanteuse réelle (rires). » Lorsqu’ils se produisent sur scène, la frontière entre virtuel et réel s’efface pour Lightning, « C’est important d’imaginer qu’elle est bien réelle et physiquement présente pour que le concert soit efficace et puissant. »
Les idoles virtuelles sont déjà nombreuses, et comme le confie Joffrey Collignon, le phénomène culturel qui les entoure semble déjà s’essouffler. Selon le fondateur de Voxwave, leur avenir ne s’imagine que dans la collaboration avec des musiciens réels. Les faire devenir un médium autonome, des supports à l’expression et à l’expérimentation pour les compositeurs, et s’en servir pour enrichir des productions. Un processus que l’on retrouve par exemple dans ce morceau de l’Américaine Laurel Halo, « Moontalk », avec au chant et au refrain, la chanteuse virtuelle Hatsune Miku.