Les femmes, l’amour, voire le sexe, pourquoi pas… Mais bordel, pourquoi ??
Il y a des livres qui racontent de superbes histoires, ce genre de livres que l’on dévore du début à la fin, ces livres pour lesquels on pourrait annuler des rendez-vous ou s’arrêter au beau milieu d’un trajet pour finir le paragraphe ; mais ce livre n’est pas de ceux-là.
Il y a des livres dans lesquels on apprend des tonnes de nouvelles choses. Sur un thème, un sujet en particulier, sur des gens ou des notions ; mais ce livre n’est pas de ceux-là.
Le livre dont il est ici question, il est unique autant que l’auteur l’est, autant que chacun d’entre nous est unique.
Une sorte de recueil de pensées, accumulation de ressentis, de questions que l’on s’adresse à soi-même, de cris de rage écrits ou de recherche de sens.
Ce livre, il n’aurait jamais du en être un puisqu’il est, à l’origine, une sorte de journal intime, sorte de vidage de sac d’un jeune homme que l’on imagine trentenaire ; l’auteur, qui a pris pour pseudonyme Ferdinand Sauvage, y écrit ses états d’âmes, ses questions existentielles – et Dieu (ou nous autres lecteurs en tout cas) sait s’il s’en pose ! Cela tourne en grande partie autour des relations hommes-femmes, de la séduction jusqu’à la baise, mais également de famille, d’amis, de fêtes, de moi et de toi, et de pourquoi… la vie d’un jeune homme moderne. Ce journal intime a eu la bonne idée de croiser la route d’un éditeur, ce qui a changé sa destinée, sans pour autant en modifier le contenu. Il est devenu « Je Crois que Vous Me Plaisez », 80 pages aussi riches qu’un dictionnaire entier.
Vous savez, ce genre de livres que l’on lit un stylo à la main car il n’est que trop riche d’informations, d’idées, de principes parfois, de doutes souvent. Alors on prend ce stylo et on annote, dans la petite marge, des tonnes de petites croix, points d’interrogations, soulignages ou surlignages parce qu’il y a des passages, des idées fortes, que l’on ne veut pas oublier.
Ce genre de livres qui te donne envie de poser des tonnes de questions à l’auteur.
Ca tombe bien, on l’a rencontré.
D’abord, les questions pratiques :
A quel point le texte a t’il été retravaillé entre le journal et le livre ?
Assez peu de retouches, il y a eu quelques simplifications et reformulations de la part de mon éditeur, que je pouvais valider ou non… C’était parfois nécessaire dans la mesure ou il arrivait que je ne comprenne rien du tout à ce qui était écrit ; difficile de donner à partager ce qui me restait abstrait…
Comment avez vous choisi les extraits à publier ?
Il a d’abord fallu rassembler les pièces du puzzle, dispersées entre un journal papier écrit comme un cochon, plusieurs fichiers texte plus ou moins bien nommés, et divers supports physiques difficilement descriptibles. Ensuite, mon éditeur à mis de l’orde, sans tenir compte des dates – qui n’étaient d’ailleurs pas systématiquement notées. Finalement très peu d’extraits ont été rejetés, et ce qui est dans le livre correspond à une période de deux ans, pendant laquelle j’écrivais de manière très irrégulière.
« J’ai été fasciné jusqu’aux larmes de découvrir que mon chat n’avait aucun projet de vie »
Vous reconnaissez vous dans le livre qui a été publié ?
Oui, ça me parle, je m’y vois, mais une partie de ce qui y est raconté commence sérieusement à ressembler, pour moi, à une vieille carte postale. La trace d’une étape. J’y trouve de nombreux raisonnements désespérés dont je ne suis plus capable en ce moment.
Mais rien ne dit que ce qui a fini d’exister ne ressuscitera pas un jour… ou une nuit.
Pourquoi (et comment) avez-vous choisi un pseudonyme ?
J’ai d’abord pensé au pseudonyme pour rester incognito, principalement vis-à-vis de ma famille, et puis c’est devenu plutôt amusant d’avoir cette double identité assumée, qui permet aussi une distance. Je ne me cache pas derrière le pseudonyme, et je crois d’ailleurs que ce livre pourrait être un bon moyen d’avoir une discussion inédite avec mes parents (ndlr : vous comprendrez en lisant plus bas l’importance que pourrait avoir cette discussion…).
Ferdinand : Parce que je trouve que ça irait très bien à un petit enfant.
Sauvage : nom de famille de ma grand-mère paternelle, disparue aujourd’hui, à qui ma mère me confiait certains après-midi, pleine de méfiance (elle me livrait à sa belle-maman avec le mode d’emploi détaillé de mon fonctionnement minute par minute), pour aller voir les canards au parc.
Puis, les questions moins pratiques…
Avez-vous des principes de vie ? Si oui, lesquels ?
Il y a de belles idées autour du lâcher-prise, de respirer le présent et de faire la paix intérieure avec soi-même qui me plaisent beaucoup mais dont, la plupart du temps, je suis seulement capable de parler.
Sinon il y a bien quelques bonnes manières qui ont la vie dure mais je ne cherche pas à les effacer, le couteau à droite et la fourchette à gauche, c’est une formule qui marche.
Vous vous posez des tonnes de questions… Y répondre vous permet-il d’avancer, ou ne vous renvoie-t’il qu’à la question suivante ?
Il s’agit de parcourir le chemin ; les réponses sont temporaires, des petites bouées-repères éphémères. Apprendre à aimer ses propres questions sans chercher à les résoudre, voila une chose qui me plaît beaucoup, et à laquelle je m’entraîne jusqu’à dix minutes par semaine.
Vous parlez de votre chat comme d’une personne réelle (vous dites par exemple « cohabiter avec lui ») : qu’apporte t’il à votre existence ? Que pensez vous de lui ?
Je n’avais jamais eu, petit, d’animaux que l’on peut toucher (seulement des poissons), et j’ai d’abord été fasciné jusqu’aux larmes de découvrir qu’il n’avait aucun projet de vie. Il s’en fout, il ne cherche pas à construire ou à avancer, il traîne chez moi sans se douter qu’un jour il va mourir. Et ça, c’est très agréable. Et puis j’aime bien m’adapter à sa vision de l’économie, il est capable de bousiller avec la même désinvolture une peluche à un euro ou un pull en cachemire.
Vous comparez-vous souvent aux autres gens ? Quelle en est la conclusion ?
Pour simplifier : j’ai longtemps pensé fermement que les autres ne me voyaient pas. Je n’ai donc pas développé l’idée qu’une comparaison était possible. Je me sens un peu moins transparent aujourd’hui, mais je ne crois pas pouvoir dire que je me compare activement aux autres. Au mieux, je m’émerveille jalousement ou m’agace de constats autour du goût et des choix de vie, en bon être humain qui n’a pas réussi à balancer son ego.
Ce livre a t’il fait évoluer votre point de vue sur vous même ?
Comme tout point de vue qui se respecte, le mien est très subjectif, et je suis attentif à ne pas le laisser se figer, à ne pas le laisser me tracer des contours trop raides. Le livre m’offre un instantané assez clair, qui correspond à une période pleine de solitude, d’obsessions, de désespoir ou de dérision ; ce que j’en comprends évolue avec le temps et, finalement, il complète, d’une manière qui n’est pas toujours la même, ce que j’aperçois de moi.
Quels sont pour vous les qualités les plus importantes et les défauts les plus graves chez l’Homme ?
Pour faire un bon être humain : faites bouillir 800 grammes de patience dans 1 litre de générosité…
J’ai l’impression de confondre “qualité”, et “ce que j’admire”. “Défauts” et “ce que je méprise”.
J’aime les gens qui sont capable de rester calmes et légers, qui peuvent s’amuser de tout. Et qui disent bonjour.
J’ai du mal avec les bornés sclérosés, qui savent tout. Et qui m’ignorent.
Les parents (cf extraits ci-dessous)… Leur reprochez vous quelque chose ? Quelle dose d’amour auriez vous aimé recevoir ? Qu’auriez vous voulu changer dans votre rapport avec eux ?
Je viens d’effacer mon cinquième brouillon de réponse à cette question.
Que pensez-vous de vous ?
Je ne sais pas trop ce que ça pourrait vouloir dire “penser quelque chose de soi”…
Ce que je comprends ou perçois de moi change quasiment en permanence. J’ai bien quelques classiques, qui reviennent régulièrement. En petite voix interne ça donnerait : “…tu crois que tu sais des trucs mais en fait rien du tout… t’as beau te répéter que tu ne sais rien, vouloir être humble, mais tu t’es faits avoir, t’as cru que tu savais… petite frappe.”
Je peux me trouver aussi vide que génial, infini que fini, beau que laid. Ou pas, ou l’inverse.
Quel rapport avez-vous avec le temps qui passe ?
Cette phrase du bouquin est plutôt ironique, faisant référence à ceux qui disent “ha non, je n’ai pas encore trente ans, c’est demain mon anniversaire !!”.
De mon côté, j’ai souvent franchement la sensation que tout se déroule en même temps, toute la vie. Le vieillard et le nourrisson, les grands événements, les petits, chaque choix, chaque plaisir, chaque vide…
Comme si j’étais un petit point en explosion au ralenti, et ce que je fais ou ce qui m’arrive sont les éclats et les projections qui vont s’éparpiller tout autour.
Je peux me trouver aussi vide que génial, infini que fini, beau que laid
Page 59 “je hais les travaux et les gens qui se demandent entre eux s’ils viennent de réussir entre eux un examen”
>> citez moi 5 choses que vous aimez et 5 choses que vous n’aimez pas
J’ai bien essayé de répondre à la question, mais tout ce que j’ai trouvé a navigué d’une colonne à l’autre, sans doute parce que même ce qui peut paraître désagréable est teinté de surprise, de création ou d’apprentissage. Alors, j’aime ET je n’aime pas :
– chercher à brancher une prise de courant femelle dans une prise de courant mâle, dans le noir.
– séparément ou réunis : tout ce qui est rassis, trop cuit, écoeurant, brûlé…
– savoir qu’avant j’étais mort, et qu’après je serai mort.
– réaliser que j’ai eu tort, et passer un temps démesuré à faire mûrir de belles excuses écrites dont je serai très fier.
– mettre à jour mon iPhone (plaisir honteux de geek mal assumé, plein d’excitation pour les nouveautés promises, tout en sachant que ça ne changera rien à ma vie, et que ça va probablement planter la machine).
– prendre des bains quotidiens d’ondes electro-magnétiques, de conservateurs, de colorants, de particules fines et d’affiches publicitaires qui, à la longue, feront probablement muter mon code génétique en… surprise !
Page 67, vous dîtes “les gens autour font comme si tout était vrai” … Qu’est ce qui est vrai et qu’est ce qui ne l’est pas ?
Tiens… mon second ventilateur vient de se mettre en route.
Aimez vous le sentiment de frustration ? Le recherchez-vous parfois ?
Je me soupçonne d’entretenir des tensions uniquement pour éprouver la (fausse) satisfaction d’avoir des stimulations problématiques à résoudre. Alors pourquoi pas la frustration.
Êtes vous heureux, et souhaitez vous l’être ?
Cette notion étant très personnelle et changeante, je serai tenté de vous demander un cadre beaucoup plus précis.
Mais quand je viens de jouir, oui je suis très content.
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Ferdinand Sauvage – « Je crois que vous me plaisez »
83 p – 12€ (chez Panormitis)
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