La chronique de Jean Rouzaud.
Les adorables Éditions Allia sortent de petits textes rares et intelligents dans une collection de poche plus qu’abordable et transportable…pour nous rendre plus ouverts et modestes.
Cette fois-ci, un texte de 1956 de Jean Paulhan, écrivain, critique, éditeur et animateur de la NRF lequel, étourdi par tant de guerres et de politicailleries (comme maintenant ?) nous exhorte à fuir les partis, et les hommes politiques girouettes.
Contre les partis !
Il nous rappelle que nous sommes tous, au fond, des gens qui souhaitent travailler moins, vivre mieux, avoir une maisonnette etc. Et qu’au fond, nos opinions varient carrément au gré de la journée !
« L’esprit occupe à chaque instant tout l’espace dont il dispose » disait-il, et du coup il nous tire à droite ou à gauche, jusqu’à la pensée suivante…C’est en ce sens qu’il nous incite à nous méfier des partis et partisans, uniquement bons à répéter leur programme, leurs idées, leurs diktats, jusqu’à ce qu’ils en changent (par échec ou révolution…?)
Tout partisan est totalitariste, voilà son credo ! Il ajoute que ces partis dépensent pour tout : publicités, congrès, frais, indemnités, voyages et banquets… Mais ne gagnent jamais rien (à part leurs postes…)
Paulhan, observateur ironique
Bref, Paulhan, observateur ironique, citait deux sortes de littérature : la mauvaise, très lue, et la bonne, quasiment inconnue. Il aurait pu en dire autant de la politique ou des idées.
Pour lui, dans ces années 50, la France était gouvernée par d’anciens marxistes, L’Humanité avait été financée par de grands capitalistes, et les personnalités de l’époque étaient tous bellicistes, Malraux en tête (car c’était la valse des guerres : Corée, Indochine, Algérie, Afrique…)
Paulhan aime aussi débusquer les royalistes, et s’amuse de toutes ces étiquettes flottantes… Il évoque l’homme de la rue : buté, flemmard, passionné, pas bête, égalitariste, voire anarchiste… Et c’est cet individu que les partis veulent liquider… Il nous avertit.
Sa formule, comme quoi « notre tête est royaliste, notre cœur communiste et notre ventre plutôt fasciste… « m’apparaît comme un résumé de cette opinion française encore répandue, qui dit que nous sommes ingouvernables, j’ajouterai : y compris par nous-mêmes !
Jean Paulhan, esprit libre donc, sans être visionnaire, ne se trompait pas de direction, et son style d’écriture ultra-classique contraste avec sa coolitude, très rare à cette époque coincée d’après-guerre et de décolonisation…
Une mini leçon d’indépendance d’esprit.
Jean Paulhan. Lettre à un jeune partisan. Éditions Allia
35 pages. 6€20
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