La chronique de Jean Rouzaud.
Il y a du pied nickelé dans la vie de Jean-Pierre Kalfon, acteur générationnel des années 60, avec la bande Pierre Clémenti, Bulle Ogier, Bernadette Lafont, Jean-Pierre Léaud, Valérie Lagrange, Brigitte Fontaine… Les idoles underground d’avant 68 !
Avant-garde
Ses mémoires d’acteur assez marginal stupéfient : il a tourné pour Jacques Rivette, Godard, Barbet Schroeder, Lelouch, Truffaut, Chabrol…Mais aussi Yves Boisset, Yves Robert, Henri Verneuil, Michel Deville, ou…Bernard-Henri Lévy ! Sans oublier les plus parallèles : José Bénazeraf, Michel Cournot, Jean Daniel Pollet, Agnès Varda, Philippe Garrel, Virginie Thévenet, José Varela, Marc’O, etc. Chacun de ces noms fait vibrer un moment de la France underground, hors cadre, des années 60, 70, et même 80…
Dès les années 60, il se fait remarquer dans une pièce d’avant-garde sur les chanteurs à succès : Les idoles de Marc’O, avec Bulle Ogier et Pierre Clementi, qui deviendra un film, et participera à tous les cinémas d’avant-garde et aux tentatives les plus audacieuses.
Par exemple, le groupe Zanzibar, plein de cinéastes aventureux, limite hippies, comme avec Philippe Garrel, Nico, Zouzou, Clementi et d’autres. Images planantes, expérimentales, basées sur le feeling, la vision, l’inspiration de la génération en proie à l’essai de toutes les substances.
Jean-Pierre Kalfon a aussi, dès les années 60, formé des groupes de Rock, puis de Glam rock puis de Punk, de CBS à New Rose en passant par Skydog, Marc Zermati, Doctor Z, parrain du Punk en France.
Je l’ai connu au concert des New York Dolls vers 1974, lui-même vêtu de collants roses à paillettes, Platform Boots en lézard, foulards de soie et make-up glam, en pleine mode trash et décadente…avant de le retrouver aux Bains Douches en 1978 en Rocker, Jeans et Perfecto, banane…
Loubard cool, observateur discret
Avec sa tête de dur, de loubard, mais cool, observateur et discret, il a vraiment parcouru toutes les époques, les tentatives, en essayant de ne pas tomber dans le gros cinéma commercial, mais jouant quand même, pour survivre, avec les plus gonflés, les plus aventureux.
D’où une carrière en dents de scie, qu’il raconte lui-même, étonné des tout ce qu’il a accompli, évoquant chaque rencontre avec émotion, enfilant les décennies au pas de course, avec des hauts et des bas ! Kalfon raconte honnêtement ses erreurs, ses manques, la drogue, les filles, les coups durs ou coups bas, les galères de tournées ou de tournages qui partent en vrille ou en eau de boudin…
Il demande pardon à sa famille de ne pas les avoir assez aimé, évoque les dizaines de pièces de théâtre et de rôles étranges et se souvient de ses deux grands Jumeaux, jeunes premiers magnifiques : Pierre Clementi malchanceux, puis malade, ou Laurent Terzieff qui se réfugiera volontairement dans le théâtre…Et la belle Valérie Lagrange qui, comme lui, préférera les chemins de traverses et la chanson plutôt qu’un cinéma populaire assez beauf…
Si vous voulez rattraper le temps perdu, lisez Kalfon, montez sur la grande roue du temps avec lui.
Tout va bien M’man ! Souvenirs. De Jean Pierre Kalfon. Édition l’Archipel. 380 pages avec filmographies + théâtre, TV et musique.
Par ailleurs, le groupe de Kalfon, P.I.B., sera le 17 novembre à 20h à l’Espace Jemmapes.
Visuels : (c) Édition l’Archipel