Dans le sillon du « droit à la paresse » de Paul Lafargue, cette journaliste parisienne encourage à ne travailler que trois heures par jour, pour la collectivité – avant de « ne rien faire, mais avec passion ».
À travers ses livres et ses articles, cette journaliste parisienne pour We Demain ou Usbek & Rica, « hyper hostile à la société de consommation », nous avait un peu prévenus que notre bonne vieille civilisation industrielle risquait de tourner au vinaigre. Dans son roman La Désobéissante (éditions Robert Laffont, 2017), Jennifer Murzeau imaginait Paris en 2050 : « Sous des dômes, les plus riches se calfeutrent, ignorant les misérables qui se débattent au dehors, rendus inutiles par l’automatisation. Le chômage a atteint 70%, la violence envahit les rues. Les plus dociles gobent leur Exilnox, les yeux voilés par des implants connectés ».
Dans La Vie dans les bois (éditions Allary, 2019), journal d’un séjour en forêt d’une semaine sans eau ni nourriture, elle suit en Charente les conseils d’un « sale type », guide de survie apocalyptique, qui lui apprend à faire du feu, à se nourrir de plantes bouillies, tandis qu’elle « renonce à tuer un ragondin », avant de poursuivre cet ensauvagement miniature en solo, dans les Pyrénées, constatant avec tristesse que, même là-bas, elle n’entend presque jamais le chant des oiseaux. Début avril, elle tweetait : « Cesser de dévaster la nature a de nombreux intérêts. Éviter les pandémies à répétition en fait partie ».
« Glandeurs d’ici ou d’ailleurs : unissons-nous. » Déterminée à saper le moral du productivisme libéral, Jennifer Murzeau esquisse ici les contours d’un monde de « glandeurs-rois », décomplexés, qu’il suffirait d’encourager à ne travailler « que trois heures par jour, pour la collectivité », avant de ne « rien faire, mais avec passion ». Ce qui rappelle Le Droit à la paresse, ce bref manifeste de 1880 signé Paul Lafargue (communard, dreyfusard, fondateur du Parti Ouvrier, gendre de Karl Marx et chroniqueur à L’Huma, ça situe un peu le bonhomme), que je pourrais vous détailler, là, mais franchement, je crois plutôt que je vais aller roupiller un brin, allongé au soleil de ma fenêtre.
Visuel © The Big Lebowski, de Joel et Ethan Coen (1998).