Deux expositions à Paris sur un artiste-comète
Expo Keith Haring au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris et au 104 jusqu’en août.
Il est le représentant HIP POP ! Un graphisme mi-rap, mi-pop.
Tout début 80, une vague de peintres s’est relancée à l’assaut des grands formats, comme les muralistes mexicains des années trente, et ce mouvement, vaguement nommé « peinture-peinture » touche d’abord l’Europe : Chia, Clement, Cucchi, les 3 C italiens , Barcelo l’espagnol fougueux, Garouste le français cultivé et pleins d’allemands expressionnistes : Baselitz, Immendorf, Salome et Castelli, Kiefer…
A New York où certains se sont installés, il y a l’impressionnant Julian Schnabel et David Salle le néo-pop, mais soudain les petits nouveaux, des sauvages, débarquent, sans règles et influencés par les taggeurs-graffeurs (qui pour leur part, hésitent à collaborer avec les galeries, opposées à leur conception pirate d’art de rue).
Cependant,3 outsiders se retrouvent dans la galerie branchée new wave du moment, celle de Tony Shafrazi qui a pigé qu’on pouvait tout exposer : Jean Michel Basquiat, l’haïtien délicat et instruit qui joue au sauvage, Kenny Scharfe qui lui s’inspire des comics, dessins animés et caricatures populaires, et enfin le plus no wave : Keith Haring, fraîchement débarqué de son école d’art de province (Ivy School of Professional Art, de Pittsburgh), il est davantage un illustrateur.
En France c’est Combas et Di Rosa qui leur sont le plus proche, le motto de la figuration libre le dit sans ambiguïté : figuratif et sans règles.
Haring comprend vite qu’il faut avoir un style reconnaissable, simple et déclinable sur tous supports et destinations. Il va au plus simple, des petits bonshommes au simple trait de pinceau sur fond blanc, comme des logos de pub. Ce sera sa marque.
Il va multiplier ses bonshommes partout et sur tout, comme des hiéroglyphes. Des petits gimmicks graphiques, sympathiques et colorés toujours en couleur primaire: rouge-jaune-bleu plus le noir, sur fond uni ou blanc.
Un langage simple, que tout le monde peut comprendre ou apprécier. ET c’est bon pour tout : Coussins, chaises, lampes ou murs.
Keith Haring aura sa boutique (le Pop Shop de NYC, décliné ensuite à Tokyo) dont il est le seul gadget démultiplié partout du sol au plafond et sur les objets en vente.
Les journaux s’en régalent et ses motifs s’enkystent un peu partout : sur des T-shirts, pochettes de disques, auto-collants… Il est le signe le plus reconnaissable d’une génération qui explose en tendances diverses et variées.
Les journalistes ne sachant plus ou donner de la tête, vont s’accrocher au simple et gentil Keith Haring.
Voilà comment un graphiste modeste aux talents élémentaires va devenir l’idole et la marque médiatique de l’époque, voire le représentant du Hip hop, alors qu’il est différent des tagueurs véritables.
Mais il rassure, il est frais et Pop.
Ces images, même démultipliées, agrandies ou remplies d’autres traits de couleurs ou d’accompagnement répètent ces motifs fétiches à l’infini… Le petit bonhomme , bébé entouré de traits, est le « Radiant child » de base, le Jésus irradié de son univers. Puis des chiens, fusées, cœurs, dinosaures ou voitures vont envahir les toiles ou supports.
Sa meilleure expression c’est lorsqu’il couvre littéralement la toile de traits, tortillons, zig-zags en plus et à l’intérieur même des personnages, ce qui donne un style entre Aztèque et Maya, vraiment comme des hiéroglyphes de temple précolombien.
Véritable comète, il disparaît en 1990 à 31 ans, victime du sida, après dix ans de création ininterrompue, comme Basquiat, victime d’overdose, tous deux consumés au travail et à la vie trépidante de la jungle urbaine, laissant derrière eux les marques indélébiles d’une époque chaude et froide.
Cold Wave pour cités cosmopolites en surchauffe !