Kim Gordon vs Sonic Youth : groupie Arty.
Incroyable long récit que celui de cette californienne, chic fille naïve et romantique, qui n’a qu’un défaut : celui de vouloir à tout prix devenir « artiste ».
Dès le départ de cette histoire, Kim Gordon, à la guitare et au chant avec Sonic Youth, groupe noise américain, émet des réserves sur son rôle de femme dans le rock, et aussi sur son mari depuis 1984, Thurston Moore, éternel ado et leader. Cela commence au dernier concert du groupe, qui correspond aussi à la fin de sa vie de couple, après 25 ans… Puis un long flash-back sur toute sa vie, pour comprendre ce qui est arrivé à cette fille nature et intello, prise entre sa féminité, les punks de New York, et la vie en tournée, alternée de « projets artistiques ».
Rock, pop, campus, beatnicks, hippies
Kim Gordon, née en 1953, a tout connu de la révolution culturelle américaine. Le rock, la pop, les campus, quelques beatnicks, les hippies allumés, puis les délires croissants d’une génération « tout, tout de suite » : psychédélisme, glam et trash, le punk, et enfin la cold / no wave à laquelle elle va se cramponner.
Après quelques initiateurs à l’Art (qui jouaient les pygmalions pour la sauter), après les galères de boulot et de logement à New York, elle flashe sur la vague froide, arty et intellectuelle des groupes Television, Patti Smith et autres Lydia Lunch… Son histoire est un long « name-dropping », allant de Charles Manson ou William Burroughs jusqu’à Kurt Cobain, Sophia Coppola, en passant par Blondie, Johnny Thunders et quelques galeries d’art célèbres… Le pur parcours du combattant 1960-1990.
Initiation ou suivisme ?
Elle a pratiquement tout connu de cette période en Amérique, et cela lui confère une aura de témoin privilégiée, d’aventurière culturelle…mais sans talent particulier au départ. Elle se cherche tout au long de son récit, non sans douter ! Elle écrit avec talent des anecdotes arrivées à beaucoup d’autres qu’elle, mais surtout elle n’hésite pas à déclarer ses faiblesses, ses erreurs, le fait qu’elle ne se sent pas toujours à sa place, elle détaille ses complexes et ses complaisances, jusqu’à ce qu’elle se case dans une recherche musicale et scénique expérimentale.
Ses études d’école d’art vont donc triompher sur les clichés du rock qu’elle adore, ou plutôt la survie du rock blanc est passée par l’ajout d’un vernis artistique de plus en plus visible et convenu : c’est la carte que Sonic Youth va jouer à fond. C’est assez gonflé d’avouer les tâtonnements, les hasards d’un groupe invendable, et comment les projets très « fashion », travaillant sur la lumière, la vidéo, la reverb, la saturation, et autres « trucs » du post-rock ont sauvé Sonic Youth d’un anonymat fatal.
Entre contre-culture et mondanité
Kim Gordon a beaucoup cherché comment faire passer le bruit, les distorsions et le côté teenager et ça a marché pendant près de 30 ans ! Elle a joué sur son physique et, plus inattendu, sur la mode ! Elle s’est retrouvée vintage, mais son modèle n’est autre que Françoise Hardy, et accessoirement Anita Pallenberg… (clean comme la première et téméraire comme la seconde ?)
À travers Sonic Youth et ses excès de « cultureux underground et conceptuels », elle s’est beaucoup retrouvée au musée, entre concept expo et performance néo rock. À travers le féminisme, elle a flirté avec les Riot Grrrl, et les a clipé avec Spike Jonze, payée par Sofia Coppola et parrainé par Marc Jacobs ! Mais là, à force de branchitude et de coups médiatique, (jusqu’à épauler Nirvana ?), c’est le grand écart entre contre-culture, et problèmes de « look « ! (grunge ou .. ?) Beaucoup de mondanités. Trop de gens en vue. Trop de réseau du petit monde de l’ « Art Mode Rock », au point que cela ne peut être sincère. Trop de complaisance. La gentille Kim est un peu tombée dans le culte de soi, étourdie par un succès… confidentiel. Alors j’arrête.
Kim Gordon. Girl in a band… Par elle-même. Editions Le Mot et le Reste. 350 pages et 25 photos. 25 euros.
Visuels : (c) DR