Dakar est la nouvelle capitale des lanceurs d’alerte.
Depuis le 7 mars dernier, les potentiels lanceurs d’alerte africains disposent d’une plateforme de protection pour leur permettre de transmettre des informations de manière sécurisée. À l’initiative d’Alioune Tine, responsable d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du centre, du magistrat espagnol Baltasar Garzon et de l’avocat français William Bourdon, la PPLAAF (Plateforme de protection des lanceurs d’alerte) en Afrique, a vu le jour en début de mois.
Basée à Dakar, elle cherche à protéger ceux qui voudraient faire fuiter des documents compromettants. Une ONG “nécessaire”, selon Baltasar Garzon, “pour que ces personnes puissent continuer leur travail, d’autant plus que dans beaucoup de pays, il n’y a pas de volonté de lutter contre la corruption”.
Jouer sa vie
Comme le signale Jeune Afrique, ce ne sont pas les affaires qui manquent. Ni les velléités citoyennes de les dénoncer. Mais dans de nombreux pays africains, prendre la décision de dénoncer revient souvent à jouer sa vie.
Et le magazine de rappeler qu’en Afrique du sud, Moss Phakoe, conseiller municipal affilié au parti au pouvoir, avait trouvé la mort en 2009 après avoir dénoncé des pratiques de corruption dans la municipalité de Rustenberg. Le mois dernier, on apprenait que la lumière n’était toujours pas faite sur le crime et les poursuites en justice s’enlisaient.
Un sort similaire avait été réservé à Michael Allison, un avocat libérien qui avait accepté de collaborer à une enquête de la commission nationale anticorruption qui visait la compagnie de pétrole nationale du Liberia. Il a été retrouvé mort sur une plage en 2015. De quoi refroidir (sans mauvais jeu de mots) ceux qui voudraient les imiter.
Des lanceurs d’alerte indispensables
En Afrique comme ailleurs, les lanceurs d’alerte sont les nouvelles bêtes noires des plus puissants. “L’Afrique a besoin de ces sentinelles citoyennes pour endiguer les graves atteintes à l’État de droit” écrivait l’avocat William Bourdon, à l’origine de la PPLAAF dans une tribune pour Le Monde Afrique le 7 mars dernier.
Il rappelle que de nombreuses affaires ont éclaté grâce au courage de certains lanceurs d’alerte. John Githongo, au Kenya, Abdullah Hussein en Ethiopie, Jean-Jacques Lumumba, un banquier congolais qui a permis de mettre au jour les détournements financiers de la famille Kabila en RDC. La banque congolaise dans laquelle il travaillait, la BGFI, entretenait des liens étroits avec le président Kabila. Des documents dévoilés en 2016 par Le Soir ont notamment démontré que l’un des comptes de la Commission qui gère le budget des élections congolaises étaient régulièrement ponctionné.
Une plateforme d’entraide internationale
Malgré ces affaires, l’état de vulnérabilité dans lequel se trouvent ceux qui prennent le risque de faire face aux institutions n’encourage pas leurs compatriotes à leur emboîter le pas. Ce sera donc le rôle de cette nouvelle plateforme. Au delà d’une simple plateforme de transmission sécurisée, elle offre un soutien technique, juridique, médiatique, mais aussi psychologique à ces lanceurs d’alerte, qui bien souvent se retrouvent totalement isolés après leur acte.
Des avocats et journalistes d’investigations de nombreux pays seront donc à la disposition de ceux qui voudront se porter volontaires pour lutter contre la corruption. Parallèlement, la PPLAAF encouragera aussi les États africains à “se doter de lois fortes et modernes pour protéger les lanceurs d’alerte contre des mesures de représailles”. Les corrompus n’ont qu’à bien se tenir.
Revoir l’interview sur les lanceurs d’alerte de William Bourdon, président de @PPLAAF et invité de @GFMofficiel https://t.co/U1Qd5bYWrA
— PPLAAF (@PPLAAF) 11 mars 2017