Vous connaissiez le sucré, le salé, l’amer et l’acide ? Voici l’umami, le cinquième goût, méconnu
Sucré, salé, amer et acide. La base du goût… les 4 saveurs cardinales, qu’ils disaient à l’école. L’alpha, bêta, gamma et oméga de la sapidité. Ni plus ni moins. Les 4 mousquetaires du palais royal.
Que vous croyez ! Il s’agit en fait d’un gros mensonge – par omission. Dans cette affaire, il manque Albert le 5e mousquetaire, le moins connu de la bande mais peut-être le plus important. L’umami de son vrai nom.
L’umami, c’est le parent pauvre du goût ; celui que personne ne connaît mais dont tout le monde se repaît. Il est présent partout dans notre alimentation : dans les steaks, le fromage, la tomate, la sauce soja, le jambon de pays, le bacon, les légumes, le poisson, le thé vert même – c’est quand même fou tout ce qu’il y a dans cette plante insipide.
Sur les traces d’Umami
Les Romains étaient très friands de liquamen ou garum, une sauce à base de viscères de poissons blindée d’umami. On en mange donc depuis belle lurette. Mais le goût en lui-même, et la molécule qui en est à l’origine, n’ont été découvert qu’au début du XXe siècle, loin très loin des 7 collines.
Reprenons depuis le début, par la base, l’étymologie : « umami » vient du japonais うまみ. Ca se prononce « Umami ! », avec l’intonation sur le « ou » initial, comme dans « Oust Mamie ! ». Et comme le monsieur là.
Ca signifie « savoureux », un goût savoureux ou délicieux. Le mot a été forgé, non par un linguiste, mais par un chimiste japonais – Kikunae Ikeda, Quiconnaît Ikeda en français – qui en a découvert la racine (chimique) en 1908.
Avant d’être scientifique Ikeda était un gros gourmand, un bouffeur d’algues bouillies (les Kombu), amateur patenté de dashis (base de la soupe Miso), comme n’importe quel Japonais de l’époque et n’importe quelle Lindsay Lohan aujourd’hui.
C’est en s’adonnant à ses petits plaisirs algaires que qu’Ikeda (avec un d) a eu la révélation – un peu comme Archimède dans son bain, les remontées en moins : le kombu n’est ni acide, ni amer, ni sucré, ni salé. Eurêka ! Euh pardon… Umami ! Il existe un cinquième sens gustatif.
Le grand chemicalstorm
A l’origine de ce sens caché, une molécule au nom pas glam pour un saoul : le glutamate. Beurk ! A moins qu’on le mélange avec la ribonucléotide GMP, substance présente dans les champignons shiitake, isolée en 1957 par un certain Akira Kuninaka.
Le mélange des deux molécules produit une réaction synergétique, qui dépasse la somme des effets attendus par chacune des substances. En gros, un plat à base de glutamate et de ribonucléotide sera plus savoureux et plus intense, que 2 plats contenant chacun un de ces éléments.
Un et un font trois comme on dit.
Et voilà comment un mix de poireaux, choux chinois et soupe de poulet font le bonheur du Pékinois. Algue kombu et copeaux de bonite séchée le bonheur du Tokyoïte. Parmesan et sauce tomate aux champignons le bonheur du Parmigiani. Et un sale burger dégoulinant de ketchup le bonheur de toute personne de bonne foi. Rien de plus qu’une bonne vieille réaction chimique à l’origine de nos mets préférés.
Le 5e élément ou Leeloo-mami
Bon, passons sur la liste des récepteurs gustatifs qui engendrent cette « sensation de fourrure sur la langue » (Yamaguchi, 1998). Des mGluR4, T1R1 et autres PLCb2 transmettraient directement la douce extase papillaire aux synapses, provoquant en retour la salivation du palais et du dos de la langue. D’où la fameuse expression « U-mami l’eau à la bouche celui-là ! ».
Concentrons-nous plutôt sur le fond du problème, la nature même de l’umami : est-il oui ou non une saveur, au même titre que le sucré, salé, acide et amer ?
Depuis le premier Umami International Symposium – oui, oui ! – en 1985 à Hawaï – oui , oui, oui !!! – un consensus scientifique s’est établi ; tous sont “umamimes” : oui, la pizza hawaïenne est une faute de goût morale et gustative impardonnable. Et oui, l’umami est bel et bien un cinquième goût plaisant, durable et étendu – il s’étale sur toute la langue.
Il y a toutefois quelques trouble-fête pour nuancer ce parti-pris : le professeur Barry Smith du Centre d’études des sens de la London University soutient par exemple que le salé et le sucré sont des goûts immédiatement identifiables, contrairment au goût umami qui reste plus difficile à isoler/identifier.
Tous s’accordent pourtant à dire que le goût umami envahit toute la langue. Pas seulement sur une partie, comme les autres saveurs. D’où cette nouvelle question : l’umami serait-il le 5e élément, celui qui transcende tous les autres, le Leeloo-mami quoi ?
Uh Mamie Blues
Attention quand même à pas trop forcer dessus, une consommation excessive d’umami provoquerait un spleen durable, l’umami blues :