Avec ce documentaire, tentons de savoir pourquoi se tatouer.
Diffusé sur ARTE, ce documentaire avait le mérite de nous emmener voir les maitres du tatouage, et les grandes écoles de STYLE qu’ils représentent. Car on en est là, ce n’est plus d’être tatoué qui compte, mais quel « genre » de tatoué ?
Bien sur, l’explosion de cette mode a eu lieu, au point de surprendre même les promoteurs les plus convaincus du genre : ils se croyaient au cœur de l’underground, et les voici sur l’autoroute du « mainstream ».
Les pionniers du tatouage, à l’ancienne, au trait noir, puis les hardeux avec aigles et dragons, inspirés des yakusas japonais, ou encore les latinos avec lettres gothiques et chiffres pour gangs et « maras », sans oublier les tribaux, façon maoris et enfin les hyperréalistes, comme des photos noir et blanc sur la peau …Ils sont tous là.
Car les taulards et prostitués, les marins et corps d’armée, qui furent les vrais tatoués de l’histoire moderne (oublions les historiques Pictes, Scythes, Samourais, sectes, polynésiens …) ont donc vu la ruée vers le tatouage les piétiner, et ce depuis les années 70 avec Rock et Pop, puis Punk et Hard.
© Sergeï Vasiliev
Si le doc montre assez bien toute cette frénésie à se lancer dans l’aventure du tatouage et leurs porte-paroles, étranges artisans de la peau humaine, à la fois délicats et appliqués, mais aussi rudes et décidés… en revanche la CAUSE, les raisons profondes de se marquer A VIE, me paraissent survolées.
Car pour les non adeptes, la question reste entière : POURQUOI ?
Le film, enfoncé dans ces tribus, glisse comme une évidence, et visite ce monde à part, comme s’il coulait de source, léger problème de décalage avec le reste du monde non tatoué ! Car pour le routard moyen que je suis, et qui ai vu tant de tatouages sur plages et îles, je continue de me dire que je me lasserai forcément, même du plus beau dessin du monde, à la longue.
Bien sur dans le dos ou l’épaule je le verrai moins, mais alors , ce sont les spectateurs qui pourraient avoir envie d’autre chose ? Alors voilà toujours la chainon manquant de tous les engouements : les raisons profondes, psychologiques qui nous font agir.
Le tatouage n’est pas anodin pour moi et j’ai vu beaucoup de documents sur d’anciens membres de gangs et maras , multipliant des séances pénibles pour ENLEVER leur ancienne marque, dont il ne veulent plus. Ils gardent toujours comme une brûlure.
Voilà sans doute la parie « vivante « du truc : pourquoi tel dessin ? Tel endroit du corps ? Fait à quel âge ? Dans quelles conditions psychologiques ? Affectives ? Après quel passé ?
Je ne sais pas si certains tatoués peuvent définir clairement ce geste de se faire marquer pour toujours, qui n’est plus celui de guerriers, de tribus, de soldats, marins, vraiment engagés dans quelque chose de fort, de risqué, mortel : guerre et unité de compagnons.
Donc je reste sur ma faim : comment une MODE peut-elle être si forte qu’on s’y engage plus que par mariage, mais bien par RAGE jusqu’aux scarifications ?.. Il faut qu’il y ait une soif d’identité, d’image, de style, d’appartenance qui n’est toujours pas expliquée.
Sans doute notre époque bourrée de virtuel, à la réalité quotidienne dévaluée et changeante, pousse-t-elle les plus exaltés d’entre nous à se GRAVER, se MARQUER A VIE, comme pour définir un peu d’éternité sur nos corps, selon un rituel hors d’âge ?
Pour certains, EXISTER – et le rendre visible – est à ce prix .
« Tous tatoués » . De Marc Aurèle Vecchione . DVD. 55 mn
Editions Montparnasse – attention, sortie mi aout 2014 !