Cent ans d’immigration racontés en bande-dessinée.
Me voilà en mission très spéciale pour Néo-Géo. Il est tôt et il fait froid mais qu’importe, je suis à la Porte Dorée pour visiter l’exposition « Albums, bande-dessinée et immigration, 1913-2013 »…
Très vite, je me retrouve nez à nez avec la Statue de la Liberté, version Will Eisner (auteur de BD à qui l’on doit le terme Graphic Novel). Comprenez que la femme couronnée a été remplacée par un homme masqué, à chapeau et en imper. C’est The Spirit (en photo d’illustration), torche et comics en mains, qui attend les migrants. Une planche, une seule suffit pour que je me retrouve parachuté à Ellis Island au début du vingtième siècle. Une manière pour l’artiste de rendre hommage à ses origines puisque ses parents étaient des juifs venus d’Europe de l’Est et de hisser le comics « en facteur d’intégration très important pour les arrivants » comme le dit Hélène Bouillon, commissaire du musée.
Et la scénographie oblige le visiteur à effectuer le même parcours que les migrants. Dans une galerie en forme de U, il avance à tâtons sans savoir ce qu’il y aura de l’autre côté, sans jamais repasser devant les mêmes oeuvres, à moins de revenir sur ses pas. Jolie métaphore de ce qu’est l’immigration. Il voyage, croise plusieurs dessinateurs… Parfois ce sont eux les immigrés, parfois ce sont leurs personnages.
« La bande-dessinée se nourrit de l’immigration, et l’immigration se nourrit de la bande-dessinée depuis toujours », Hélène Bouillon
Outre la présence des incontournables, René Goscinny, Marjane Satrapi, Enki Bilal pour ne citer qu’eux, la BD africaine est à l’honneur avec un focus orchestré par le spécialiste de la question Gilles Ollivier. Aux côtés d’« Aya de Yopougon » illustrée par Clément Oubrerie et écrite par Marguerite Abouet, adaptée au cinéma en 2013, on fait la connaissance de « Malamine, un africain à Paris » d’Edimo et Mbumbo qui raconte l’histoire d’un jeune diplômé qui ne trouve sa place ni dans la capitale française ni dans son pays natal.
C’est donc l’occasion de découvrir des nouvelles têtes, et pas seulement côté BD africaine. A l’image des deux coups de coeur d’Hélène Bouillon : Clément Baloup et Zeina Abirached. Le premier a signé des dessins pour des magazines allant de Spirou à Playboy avant de se lancer dans son premier album en solo, le tome un de « Mémoires de Viet Kieu » dans lequel il se penche sur l’histoire de son père, d’origine vietnamienne. Pour ça, il est parti aux Etats-Unis, à la rencontre de la plus grosse communauté vietnamienne au monde. Le tome II de cette série, « Little Saigon », a été récompensé à Angoulême. Clément Baloup sera en dédicace au Musée les vendredi 29 et samedi 30 novembre.
(planche extraite de « Little Saigon »)
Le deuxième nom à retenir, c’est celui de Zeina Abirached. Née et élevée à Beyrouth, elle arrive à Paris à 23 ans et sort « Mourir, Partir, Revenir, Le jeu des Hirondelles », album dans lequel elle raconte son enfance au Liban. Dans le cadre de l’exposition vous pourrez découvrir son feuilleton « Paris n’est pas une île déserte » en trente planches dont une est publiée chaque lundi sur le site de l’exposition. La première ci-dessous (et le reste ici) :
Au total, 117 artistes, 400 documents originaux & plusieurs inédits constituent l’exposition « Albums, bande-dessinée et immigration, 1913-2013 », des planches les plus abouties à de simples croquis en passant par des scénarios de bande-dessinée. Oui, ça existe. Et pour ceux qui se demandent à quoi ça peut bien ressembler, résultat juste là :
(scénario de la première planche d’un épisode de ‘Globul le Martien’ de René Goscinny)
Plus d’informations sur le site du musée.
On conseille également le catalogue de l’exposition (Ed. Futuropolis) dirigé par Vincent Marie et Gilles Ollivier, également initiateurs du projet et commissaires scientifiques de l’exposition aux côtés de Vincent Bernière. Il ne coûte que 26euros et Ce n’est pas si cher payer pour la qualité de l’objet qui comprend la quasi-intégralité des oeuvres présentées assorties d’interviews, d’articles…
L’exposition se tient jusqu’au 27 avril 2014 du mardi au vendredi de 10h à 17h30 et le weekend de jusqu’à 19h.
Tarif unique : 6euros
Musée de l’Histoire de l’Immigration, Palais de la Porte Dorée, 293 avenue Daumesnil (métro ligne 8, bus 46)