Un 6ème volume aux confins du réel pour les indispensables « Inédits Fantastiques de l’INA ».
C’est le 6ème satellite envoyé par l’INA dans l’espace du film culte. La collection « Les inédits fantastiques de l’INA » collecte effectivement les perles oubliées et télévisuelles d’une qualité à faire pâlir la culte Amérique.
Pour cette nouvelle livraison, place à la série de genre, fascinante et absurde, avant-gardiste et délirante, un peu à l’image de son créateur Jacques Bergier et de son roman Espionnage scientifique dont elle est inspirée. (Si vous ne connaissez pas le monsieur, je vous prie d’aller arpenter sa page wikipédia, c’est tout à fait inoui).
Aux frontières du possible, ce sont deux saisons de 13 épisodes, diffusées entre 71 et 74, qui mettent en scène deux agents du BIPS, Bureau international de prévention scientifique, chargés de protéger l’humanité de l’utilisation criminelle qui pourrait être faite des dernières découvertes scientifiques.
Un meurtre à la fléchette dans les lieux de plaisirs nocturnes de Hambourg (l’ambiance de cet épisode, à l’intrigue Minority Report, est remarquable), suicide d’un juge dans un procès québécois alors que l’accusé certifie avoir passé la soirée avec un homme pourtant décédé, crash d’un objet volant non identifié sur une ferme finlandaise, telles sont les énigmes proposées au début de chaque épisode. Après un obscur debriefing, nos deux affables enquêteurs s’envolent vers l’entourloupe.
Tout en résolvant l’affaire à la dernière minute, Pierre Vaneck, flanqué de la stoïque allemande Elga Andersen, balade son personnage flegmatique, à mi-chemin entre Hercule Poirot et James Bond, offre deux, trois mouvements karaté discrets, et ponctue régulièrement ses observations d’un « ho la brave petite », « ho la douce enfant ». Pour la petite anecdote Jacques Bergier qui comptait Ian Fleming dans ses fréquentations, a toujours revendiqué la paternité du personnage du célèbre agent secret.
Victor Vicas et Claude Boissol se partagent la réalisation de ces 7 « nouveaux » épisodes, rythmés d’une musique percu jazz de Jack Arel aux accents, à nouveau, très 007. Tandis que l’image joue de l’expérimentation psyché, l’ambiance flatte le 70’s british, imaginez vaguement un Prisonnier qui croiserait sur son île devenue française, les héros de Chapeaux melon et Bottes de cuir… Le scénario, quant à lui, ne se prive de rien, et les intrigues SF se succèdent, des plus classiques (l’hormone de croissance rapide utilisée sur des taureaux dans une Camargue western), aux plus farfelues (Lors d’une crise mondiale sans précédent, le petit village dans lequel se tient la conférence dites « de la dernière chance » est empoisonné à l’ergot de seigle).
Dans l’ensemble, l’équilibre est fragile mais efficace et le résultat, étrangement addictif.
On se penche à présent sur le deuxième film exhumé des précieuses archives de l’INA, et ça tombe bien il fait soleil. Qui dit soleil, dit forcément Icare, vous ne croyez pas? Vous croyez. Icare c’est celui qui désobéit à papa Dédale. Oui, Dédale, l’architecte du labyrinthe qui retient le Minotaure, avec Ariane et son fil, et puis Thésée et son père Egée, celui qui se jette dans la mer, un peu comme Icare finalement qui, pour terminer, y tombe…mmm..bon, faut suivre, tout se croise et s’entrecroise comme les fils des Parques, la mythologie grecque partage ça avec les feux de l’amour. Restons basique, Icare n’écoute pas son père, veut voler trop haut, trop près du soleil et se brûle les ailes, subtile moralité… Pour Raymond Queneau c’est un peu différent mais dans le fond c’est idem.
Le vol d’Icare est son dernier roman, paru en 1968.( Jusqu’à sa mort en 76, la vie littéraire de l’auteur des Fleurs Bleues ne sera plus que poésie et essais). Icare y est un personnage de roman qui s’échappe des premières pages rédigées par son créateur, un auteur mondain de la belle époque
Le beau jeune homme erre dans Paris, recherché par un détective intuitif et incompétent, se pique d’absinthe et d’automobiles qui en sont alors à leurs balbutiements, entraine une vague de désertion chez les personnages des autres romans, et connait l’amour avec LN, prostituée d’origine cruciverbiste. Forcément, c’est du Raymond Queneau, le jeu de mot est légion.
Le roman est écrit sous la forme d’un scénario, et tombe, 10 ans après, entre les mains de Daniel Ceccaldi. Le film réalisé en 1980 est une réussite, une confiserie cinématographique. On s’amuse d’un angélique et jeune Pierre Malet, et d’un hallucinant Michel Galabru en détective halluciné, on déguste surtout cette poésie si fidèle à l’esprit de l’auteur, cet acidulé bonbon qui finit toujours par faire monter les larmes aux yeux.
un aperçu ici
Dans deux genres très différents, ces inédits fantastiques sont un plaisir qui n’a rien d’une simple curiosité historique réservée aux cinéphiles. Ils sont la porte restée entrouverte qui invite à la visite d’univers injustement oubliés.
Les Inédits Fantastiques de L’INA vol. 6, disponible depuis le 7 mai
Aux Frontières du Possible saison 2 (14,90€) , Le Vol d’Icare (12, 90€). A se procurer ici