La scène hip-hop tunisienne s’impose comme une forme de contestation privilégiée et menacée
La semaine dernière, le député et leader de la gauche tunisienne Mohamed Brahmi était assassiné. Ce meurtre survient à peine quelques mois après l’assassinat de Chokri Belaïd, une autre figure de l’opposition tunisienne.
Les Tunisiens parlent de Républicide – car ces meurtres interrogent frontalement la possibilité d’établir une véritable société tunisienne composite. Nawaat.org, un journal d’opposition, parle de « balles de lâcheté« qui se sont abattues sur ces deux hommes et sur la République tunisienne.
Car où en est la Tunisie, et la révolution culturelle et politique pour laquelle elle s’est battue ? A en croire les évènements qui ont eu lieu à Tunis en ce moment, elle est réduite au silence. Pour manifester leur soutien à la famille de Mohamed Brahmi et pour rappeler l’importance de la parole d’opposition, des jeunes s’étaient réunis hier devant l’Assemblée Nationale. A l’occasion d’un sit-in, les jeunes se sont mis à rapper et ont fait de leurs beats et de leurs textes des armes de résistance.
Mais ils ont vite été chassés par les gaz lacrymogènes. Et ce n’est pas la première fois que les autorités tunisiennes condamnent des rappeurs et réduisent, par la même, les conditions de la liberté d’expression. En juin dernier, le rappeur Weld El-15 écopait de deux ans de prison ferme pour avoir dénoncé les exactions de la police – il a été libéré depuis mais il n’est pas le seul rappeur que les autorités tunisiennes ont condamné. El General, par exemple, était maintenu en garde-à-vue pendant quelques jours en décembre 2010 pour avoir dénoncé l’état policier de Ben Ali.
Et en juin dernier, une manifestation culturelle, où les jeunes étaient invités à présenter leurs textes, dont on voulait souligner la poésie, la capacité à renouer avec la langue littéraire et la force créatrice, était organisée. Mais les policiers n’ont pas tardé à empêcher son déroulement – en formant un cordon sécuritaire autour des jeunes gens. Même sans intervenir, ils rappelaient aux Tunisiens que leur liberté était surveillée, qu’elle se conjuguait au conditionnel, et qu’à n’importe quel moment ils pouvaient intervenir, fixant arbitrairement les limites du convenable, du dicible et finalement du droit de parole.
Ce qu’il faut comprendre derrière ces tentatives de faire taire une partie de la jeunesse est bien que le pouvoir politique et religieux considère le hip-hop et le rap comme une menace directe. Car il est un moyen de fédérer, de diffuser des textes politiques et poétiques et de se faire entendre à l’étranger. Que le rap soit une arme ultime ou une arme première de résistance, il est le signe du dynamisme de l’opposition tunisienne qui veut se faire entendre et rappeler la nécessité d’être à l’écoute les uns les autres.
Merci à Rue89.fr pour l’information.