Comment finir au goulag avec de simples images ?
Si vous aimez les contes et légendes anciennes, l’orient lointain et inconnu, les miniatures persanes, les guerriers mogholes, les cavaliers cosaques, les monastères orthodoxes, les icônes dorées, les princesses et devineresses, les destins chahutés et les visions extatiques, le tout sous le sceau des amours et des passions, alors vous devez connaître les films de Serguei Paradjanov.
Tout cela se passe sous les monts du Caucase, entre la mer Noire et la mer Caspienne : Ukraine, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan.
Serguei Paradjanov est un artiste, acteur, réalisateur né en 1924 à Tbilissi en Géorgie et mort en 1990 à Erevan en Arménie. Fils d’un antiquaire, il est élevé dans une caverne d’Ali Baba, remplie d’objets, costumes, décors, tapisseries, tentures, armes anciennes. Son imaginaire vient de là, et il continue toute sa vie à accumuler des collections d’objets hétéroclites qui vont peupler ses films.
En 1945, il étudie à la grande Ecole de cinéma à Moscou, épouse une musulmane tartare, puis tourne plusieurs documentaires à Kiev. Sa femme, devenue orthodoxe, sera assassinée par sa famille pour trahison. Remarié avec une ukrainienne, il a un fils en 1958.
En 1964, son film « Les Chevaux de Feu» le rend brutalement célèbre en Europe. La beauté des paysages, des acteurs, des costumes, des décors, comme des séries de tableaux, presque sans parole, livre d’images tiré des contes et légendes d’Asie centrale, tout cela émerveille un occident trop cartésien et logique.
Avec Paradjanov on plane, on voyage, on imagine encore plus, la réussite est totale. La nouvelle vague l’encense. Même Godard si réservé, le nomme «le maitre du temple du cinéma». On le compare à Ingmar Bergman, Pier Paolo Pasolini, Akira Kurosawa, Luis Bunuel, Orson Welles… Les plus grands.
Mais il tourne dans la langue de ces pays annexés par la Russie soviétique (arménien, ukrainien, géorgien) et chante leurs mythes et légendes, ce qui fut considéré comme un crime anti-russe et lui valoir goulag et censure sur tous ses films pendant les années qui vont suivre.
En captivité, il survit et réalise de somptueux collages et des dessins riches et détaillés pour ses prochains tournages.
En 1968, « Sayat Nova » (ou « La Couleur de la Grenade ») est un merveilleux poème filmé, un choc esthétique, une série de miniatures persanes, censuré pour «anti conformisme» !! Le soviet transforme ses qualités en défauts…
En 1984, après quatre années d’emprisonnement au goulag, il parvient à sortir « La légende de la forteresse de Souram », une sublime histoire géorgienne, ou cavaliers, cosaques, princes et marchands, pèlerins et devineresses nous entrainent dans un flot d’images extraordinaires, belles comme des peintures mogholes .
En 1988, « Achik Kerib, conte d’un poète amoureux », dernier film achevé de Paradjanov, applaudi à la Mostra de Venise, est dédié à son grand ami et égal Andrei Tarkovski, lui aussi persécuté par le régime.
Ce dernier est l’auteur, entre autres chefs d’œuvre, d’ « Andrei Roublev », une fresque digne de Eisenstein, et de « Solaris » un film de science-fiction aussi fort que « 2001 » de Stanley Kubrick.
Voilà le minimum à savoir de ce génie que fut Paradjanov.
Il faut aussi voir ces quatre superbes films couleurs qui ressortent en vidéo, chacun accompagné d’un documentaire qui raconte, explique, montre des rushes, des images coupées ou des making-of du tournage.
Coffret 4 DVD . Montparnasse classique
Les chevaux de feu.
Sayat Nova.
La légende de la forteresse de Souram .
Achik Kerib, conte d’un poète amoureux.
Chaque film avec un bonus de 30 mn