Plongée dans les oreilles de Michel Hazanavicius, le réalisateur de The Artist
The Artist, le film muet de Michel Hazanavicius, a récolté tout un tas de prix. A ce drôle de patronyme, Hazanivicius, nous devons également l’immortel Grand Détournement ainsi que les deux OSS 117. Un réalisateur qui vient nous parler de la bande-son de sa vie, ça commence forcément comme dans un film…
Le petit Michel Hazanavicius fait ses premiers pas dans le silence ; ses parents n’écoutaient pas, ou si peu, de musique. Il se rappelle néanmoins avoir vu son père acheter un disque. Un seul. Ce sera Zao, « Moustique« … et merde. Aujourd’hui, ce souvenir fait office de blague lors des repas de famille.
Pas de musique donc, et pas de télé non plus. Michel vit avec un bruit de fond: du piano au 6ème, une télé au second, des enfants dans la rue. Sa prime jeunesse sera donc rythmée par les musiques de la vie. C’est joli de le dire comme ça, non ?
Mais petit à petit, Hazanavicius se fait son avis, ses goûts, sa discothèque. Il aime le tango – « ce qui est d’ailleurs assez marrant c’est qu’aujourd’hui, je vis avec une argentine ». Il se rappelle notamment d’une scène de « Certains l’aiment chaud ». Il adore Astor Piazzola. Et il aime aussi beaucoup le reggae. Le tango et le reggae.
Il s’intéresse rapidement aux musiques de films. Il est encore tout jeune, et scotche devant les Marx Brothers, et surtout devant « Il Etait Une Fois Dans l’Ouest ». Ennio Morricone. Michel Hazanavicius est dans la cour de récréation, et joue aux cowboys. Il est à fond.
Il achète son premier disque très tard, genre à l’époque des CD ;« c’est un peu la honte ». Il se paye un Kid Creole. Puis un concert : les Clash . Enorme émotion parce qu’en plus, « j’étais avec trois filles dans la queue, on est en 81, et des skins sont venus pour me taper mes places. Je ne sais même plus comment je m’en suis sorti ».
Il adore Strummer, grand, beau, énergique, puissant. En live, il se rappelle également avec émotion d’un récent concert de Paolo Conte :« ça m’a bien bluffé ».
Il en profite pour en placer une (« je cherche pas à faire ma promo, hein ») pour la BO de son film muet, composée par Ludovic Bource, dont il est tout à fait satisfait. D’autant plus que c’est difficile, une BO :« il faut qu’il dise en musique ce que je dis avec des mots ». Il faut une vraie complicité, une vraie entente, une vraie écoute. « Avec Ludovic Bource, nous avons une sensibilité musicale assez proche ». Ils avaient d’ailleurs déjà travaillé ensemble sur les deux OSS.
Michel Hazanavicius aime bien les grandes orchestrations, comme dans « Autant en Emporte le Vent », mais est également très féru de jazz. Quand il aime un morceau, un disque ou un artiste, c’est compulsif. Il l’écoute à n’en plus pouvoir, quitte à parfois ne plus jamais pouvoir l’écouter tant il l’a usé, déshumanisé.
Il adore Gainsbourg, la périodes des yéyés, les 70’s… Il se rappelles« Les Sambassadeurs », de Gainsbourg, un morceau qui le fait voyager dans le temps, le ràmène vers la fin des années 50.
Un beau jour, un ami lui fait écouter Malher, et ouvre par la même occasion une nouvelle porte dans l’univers musical de Michel Hazanavicius. Pareil pour Fania All Stars, que lui fait découvrir à l’époque Dominique Farrugia, grand adorateur de musique (qu’il connaît depuis qu’il a 10-12 ans), et qui le transporte en Amérique du Sud.
Autre groupe qui changera beaucoup de choses dans la vie d’adolescent de Hazanavicius qui se ballade alors avec un ballon de foot sous le bras toute la journée, les Clash, dont nous avons parlé un peu plus haut. « Un peu comme une première pelle, quoi ».
Ce qui le touche, d’une manière générale, ce sont les musiques qui dégagent un sentiment. Genre Philip Glass. « Ca s’écoute fort, et pas au casque. C’est problématique d’ailleurs, car ma femme déteste Philip Glass ». Avant d’en terminer, Michel cite Jimmy Durante, un acteur et chanteur américain. « Il y en a pour qui c’est facile ».
Si de par son métier et sa passion, Hazanavicius a un rapport plus fort à l’image qu’à la musique, il regrette de ne pas la pratiquer. « C’est un langage commun. Et aussi un business avec des gros requins ! Mais bon, je préfère l’image de mecs qui jouent tranquilles sur une plage ».
La bande-son de la vie d’un type qui réalise un film muet, c’est pas commun.
Propos extraits du « Dans les Oreilles de » d’Isadora Dartial.