Billet de bonne humeur d’un Jean Rouzaud qui a …. aimé. Oui.
Au beau milieu du Tsunami de parutions d’albums de BD, véritable raz- de-marée de dessinateurs bons (et moins bons !) et de scénaristes (souvent indigents), voici une jolie perle dont il est bon de comprendre les reflets.
Dans « J’aurai ta peau Dominique A » (le chanteur !), Arnaud Le Gouëfflec, auteur de chansons et scénariste de bande-dessinées, a imaginé une histoire simple et bonne qui se dédouble, comme deux chemins tortueux qui finiraient par se recroiser à la fin..
De son côté, le dessinateur Olivier Balez – émigré au Chili – avait déjà, avec le même scénariste, fait «le chanteur sans nom», prébublié dans Libé ; un travail à la fois direct, efficace et beau .
C’est suffisamment rare pour être noté, il fait partie de la poignée de dessinateurs vraiment honnêtes, bons et justes, tendance un peu peinture, et surtout, copié sur personne ! Un des vrais, quoi.
Huit à douze cases par page, classique, pas trop de blabla, mais un rythme, comme une ballade un peu triste et entêtante, un morceau « slow-motion » avec des pages sans un mot (la vraie BD !), mais aussi sans concession. Genre implacable .
Un pinceau sûr et sensible, des ombres nettes à la Hugo Pratt (Corto Maltese), parfaitement cadré et cool, mais surtout une gamme de couleurs superbe, des tons rabattus, harmonieux dans les rouge brique, gris tendre, jaune pâle, vert amande et des orangés bienvenus..
On pense à des sérigraphies, à Braque ou Matisse version BD, et quand l’histoire inquiète, les couleurs rassurent, des séries de Kaki et de bruns clairs… Bref, raffiné et tout, aucun abus de caricature ou d’expression, du dessin réaliste, simple et économe, un peu comme Hergé mais en moins classique .
Souvent, la tête rasé de Dominique A n’a pas de contour autre que un à-plat de fond qui délimite la forme, comme en peinture, mais sans la prétention de ces nouvelles BD historico-culturelles, qui nous racontent des peintres ou des auteurs, mais édulcorées, « spécial bobo ».
Vous savez, les égéries littéraires, les peintres de Montparnasse ou autre cliché que nous servent ces nouveaux tandems de bande dessinée, mais le tout sans risque, plat et surtout politiquement vidé de toute substance, analyse ou contexte..
Ici, dans cet album, il y a bien un artiste, mais vivant (Dominique A), qui préface sa surprise et son inquiétude, mais lui aussi a trouvé le travail bon et honorable. Il le dit donc au début discrètement et sans prétention (une demie-page). Bon pour accord.
En prime, son copain Philippe Katerine (autre chanteur vivant et lui tendance « arty » et plus excentrique) lui donne la réplique dans certaines scènes savoureuses.
«J’aurai ta peau Dominique A » est vraiment un joli polar ou l’on voyage sans cesse : champ contre champ, panoramiques, gros plans, plongées, un chahut de cadres et de tons dans une palette inattendue, sobre et chaude, mais où la tension monte jusqu’au feu de Bengale final…
Encore un mot sur l’auteur du scénar : Arnaud Le Gouëfflec est l’un des organisateurs du festival invisible à Brest, dont Nova fut amateur et partenaire, avec des musiciens et artistes hors-norme genre Theo Akola , Lydia Lunch et autre Mamie Chan ; un homme de goût, donc.
Enfin, le fait d’oser avoir choisi des gens bien vivants et même connus pour les plonger dans une bande dessinée, une auto fiction décapotable donc, vue à la jumelle (de marine) et ne se privant pas d’intimisme et de paranoïa sur la violence, la célébrité, l’insouciance, les tournées, les copains, les backstage, l’envers du décor du show-biz, mais aussi des fans plus ou moins tarés que se traîne toute carrière, même sereine.
Un petit croche-pied au show-biz et à la variété, même de qualité, ne fait jamais de mal .
« J’aurai ta peau Dominique A » de Arnaud le Gouëfflec et Arnaud Balez.
Editions Glenat . Collection 1000 feuilles . 55 pages couleurs .
Des mêmes auteurs, même collection :
_Topless
_Le chanteur sans nom .