Deux comédies qui ne sont pas que drôles assurent que la vie n’est pas en noir et Blanc.
« La Cache » : le post-scriptum de Michel Blanc
Mine de rien, Michel Blanc aura toujours eu une place à part dans le Splendid, ce côté de faire partie de la bande sans totalement y appartenir, d’être un peu en satellite, plus clown triste qu’autre chose. Ça se confirmera ensuite avec sa carrière solo ou ses prestations chez Leconte, Blier ou Téchiné où il tombera un peu plus le masque, pour aller un peu plus vers la mélancolie ou l’inquiétude. L’un des derniers films qu’il aura tournés, avant de mourir connement d’un choc anaphylactique, rappelle étonnamment cette dichotomie. Dans La Cache, Blanc est à la fois au centre d’un groupe, cette fois-ci une famille aussi érudite qu’excentrique plongée dans la tornade de Mai 68 et réceptacle d’une part plus sombre, par le souvenir des années d’occupation allemande et de sa persécution des juifs. Le film de Lionel Baier s’incarne aussi dans cette dualité, capable de fantaisies fantasques (jusqu’à donner une explication hilarante à la disparition de Charles de Gaulle) comme de faire surgir fébrilité ou d’inconsolables blessures d’âmes chez chaque membre de cette famille anar sur les bords. Il faut d’ailleurs saluer, au-delà de Blanc, une véritable troupe d’acteurs impeccables de nuances et demi-teintes, de William Lebghil à Domnique Reymond en passant par Aurélien Gabrielli. La Cache est d’autant plus attachant quand cette présence post-mortem de Blanc conforte le film comme une évocation des fantômes d’un passé à exorciser et d’un présent encore un peu utopique. Une dernière séquence où il transmet le sens de la vie à son petit-fils, offrant à l’acteur un émouvant post-scriptum.
« Prosper » : les chaussures magiques de Jean-Pascal Zadi
La Cache confirme aussi la qualité de passeur de Blanc, qui aura souvent généreusement partagé l’affiche ces dernières années avec une nouvelle génération d’acteurs. Jean-Pascal Zadi n’aura pas eu le temps d’en faire partie. Pour autant, avec Prosper, il semble marcher dans ses pas via le presque double-rôle d’un éternel loser qui se retrouve possédé par l’esprit d’un caïd du milieu des sapeurs congolais. Étonnant film combinant les genres, du fantastique au polar ou la comédie de mœurs, sans être schizophrène, Prosper tient lui aussi, dans un sens, d’une histoire de fantômes quand il sait ressusciter l’esprit des bonnes comédies communautaires des années 80, Black Mic-Mac en tête, pour le rhabiller de couleurs contemporaines fuyant le folklore ou le caricatural pour lui préférer une étude anthropologique touchant à l’universel quand il explore aussi en sous-main les rapports homme-femme. Cette improbable histoire de chaussures magiques se révélant particulièrement bien ancrée dans les pompes de l’époque.
La Cache, Prosper. En salles le 19 mars.