Les dernières seront les premières !
Pour tous ceux qui n’y étaient pas, le début des sixties Pop furent en France un défilé inégal de musiciens, malheureusement trop souvent cornaqués par d’infâmes show-bizeux, labels et managers sans scrupules, écrasant les talents sous des tonnes de mauvais goût.
L’inclassable variété : des vieux requins arnaquant minettes et minets pour une poignée de nouveaux francs, leur faisant chanter niaiseries ou « covers » ( copies mal traduites) de tubes américains.
Honte doublée du fait que nos voisins anglais révolutionnaient au même moment la variété Pop avec des trouvailles Bluesy, Folk, Rock, Jerk, avec un art et une électricité jamais égalée depuis.
La british invasion et les carabiniers franchouillards.
L’album de Jean Emmanuel Deluxe sur les chanteuses yéyé, écrit en anglais ( ! ) a le mérite, une fois passées les têtes d’affiches du genre : Sylvie Vartan, France Gall et Françoise Hardy (qu’il montre aussi sur des publicités, transformées en modèle des jeunes, poussées par des marques de vêtements, Prisunic ou savon Lux !!) – JM Deluxe donc, n’oublie pas les petites perles oubliées, les vraies, les branchées, celles qui ont échoué à cause de leurs qualités !!
Trop fines, trop « in », trop originales et indépendantes et pourtant les plus originales : comme Stella (qui, dès quatorze ans, se moquait ouvertement des yéyés et qui deviendra la compagne de Christian Vander, du groupe Magma, pop hard symphonique !), Zouzou (véritable star underground, intime de Jean Paul Goude, Brian Jones, Beatles, Who, puis de Jack Nicholson.. Inclassable mannequin, actrice, chanteuse au profil de Marlon Brando.. qui refusa les avances du système, avec une détermination confondante…). Et même Marie France, vraie égérie de la contre-culture, flirt avec les situationnistes, puis leader des Gazolines, à la fois décadentes et trans genre, avant de devenir punk Rock ou Cabaret ( elle fut LA Marylin du Paradis Latin, comme elle est AUJOURD’HUI, LA Marlène du Show Thierry Mugler au Comedia à Paris !!!)
J’ajouterai Gillian Hills, sorte de Bardot, reine du Chacha, puis du Twist, une allure incroyable, qui continuera actrice, notamment à Londres ou elle apparaitra dans « Blow up » (avec Birkin) puis dans « Orange mécanique » de Kubrick), dotée de sa plastique unique.
Ces trois là en tout cas (Zouzou, Marie France, Gillian Hills) étaient fascinantes de présence, d’élégance naturelle, fines comme des brindilles et pourtant sexy, ultra mode avant l’heure, mais à la sauvage, créant LEUR style, montrant le chemin des super branchées libres, dans la lignée de Bardot.
Yé-Yé girls donc, cet album n’a pu se passer des anglaises : Sandy Shaw, Marianne Faithfull, Jane Birkin, plus Nico l’allemande etc ..Elles aussi des pré-modèles, créant LEUR genre de starlettes internationales insaisissables, refusant toute standardisation.
Mais il me manque quelques perles british du genre :Twiggy, Julie Driscoll , et quelques grands modèles américains comme les Runaways, Shangri Las, Nancy Sinatra, car elles ont influencé le panthéon du style de cette époque. Ou la belge Hermine.
La lecture de ce genre de dictionnaire, basé sur de vraies histoires, des carrières plus ou moins réussies, laisse un goût amer… car derrière ces filles douées, on sent la main moite des obsédés, des profiteurs, escrocs, managers, amants, maisons de disques, tourneurs, vendeurs de mini-jupes et de déodorant, d’eye-liner et lipstick…
La malédiction des très jolies filles, exceptionnelles, gravant leur image dans l’époque, déterminant un genre, une allure, donnant une direction, fait que justement tous les marchands du temple se jettent sur elles pour détourner un peu de leur magie en argent vite encaissé.
La grâce post-adolescente, très courte, décrite par les Japonais comme le moment magique des filles, est éphémère.
Toutes ces femmes l’ont fait durer plus longtemps, pour un peu de gloire, mais aussi beaucoup de peine à subir les pénibles amateurs de Lolitas, qui pullulent autour d’elles, vampires modernes du show biz maudit.
YE-YE GIRLS par jean Emmanuel Deluxe . Feral House éditions.
- 250 pages couleurs – texte en anglais .
PS : ce livre contient bien d’autres filles uniques et rares, esquissées, de Cher à Lulu, de Claudine Longet à April March, Lio ou Elli… Et d’autres encore à découvrir, mais on y reviendra .