« La cinquième saison représente un monde imaginaire, chacun peut se l’approprier. Pour nous, elle arrive juste après la fin du monde comme une renaissance pleine d’espoir. »
Ensemble, oOgo, Chomsky, Mr. Gib et Blanka forment La Fine Équipe, le crew de beatmakers à l’origine du label Nowadays Records (Fakear, Clément Bazin, Jumo, Unno, Robert Robert, Leska, Awir Leon…) auquel on doit la trilogie La Boulangerie, recueils disparates et complémentaires de ce qui se fait de plus pertinent, en France, en terme de beatmaking, et de très grand métissage des genres (hip-hop, électro, jazz, R&B, tout). Loin de La Boulangerie mais toujours proche du grand mix viscéral d’un projet que l’on suit depuis bien longtemps, La Fine Équipe présente aujourd’hui 5th Season, un album que le groupe défendra à La Gaîté Lyrique ce mardi 7 mai.
Depuis la parution du premier disque de La Fine Équipe en 2008, que diriez-vous de l’évolution du beatmaking, en France, et de manière plus générale ?
La Fine Équipe : On rattache beaucoup ça aux machines comme les sampleurs SP1200, MPC et autres qui avaient une utilisation plus limitée à l’époque de la première Boulangerie, le terme est un peu ancien du coup. Bien que l’on se reconnaisse totalement dans cette façon de faire, aujourd’hui les outils permettent d’aller beaucoup plus loin.
Le beatmaking est probablement l’origine de notre art, avec comme première fonction de produire pour des rappeurs. Nous nous sommes affranchis de ça il y a un moment de notre coté. Aujourd’hui, avec le regain d’intérêt pour les rappeurs, on sent bien l’influence du beatmaker et l’évolution du style et des morceaux. On peut dire que le beatmaking, en tant que tel, a de beaux jours devant lui. Pour nous, les artistes de musique électronique sont tous des beatmakers au sens large, et on a hâte de voir ce que fera toute cette nouvelles vague qui déferle.
De manière très concrète, comment créé-t-on un album lorsque l’on compose à quatre ?
La Fine Équipe : Comme n’importe quel album de groupe, on travaille à plusieurs chacun apporte des idées, on mélange tout ça et on fait le tri derrière. Beaucoup de jams sessions, ça part souvent dans tous les sens, on adore les accidents qui nous amènent plus loin que ce qu’on avait imaginé au départ.
Le sampling est un art qui nous est très cher
Quelle part de production et quelle part de sampling dans cet album ?
La Fine Équipe : Le sampling est un art qui nous est très cher, c’est un exercice particulier. Sur cet album nous l’utilisons de manière moins évidente, on garde les samples pour la matière et la texture sonore. Il y a probablement 90% de composition sur 5th Season contrairement à nos compilations La Boulangerie, où le concept est clairement basé sur le sampling et la boucle.
Comment les trouvez-vous, ces samples ?
La Fine Équipe : Nous écoutons beaucoup de musique, cherchons en permanence par tous les moyens que ce soit du digital ou du digging classique de vinyle. Chercher des disques est une réelle occupation en voyage et en tournée.
Pouvez-vous me parler d’un sample en particulier ?
La Fine Équipe : Minnie Riperton, « Inside My Love », samplé par J-Dilla pour le morceau « You can’t hold the torch » ou encore « Lyrics to go » d’A Tribe Called Quest. Sur les deux morceaux apparait Q-Tip, un de nos rappeurs préférés. Les morceaux original est une tuerie, on adore la discographie de Minnie. On n’est pas les seuls, ce morceau a été samplé pour d’autres tracks : « Get On Down » de Kenny Dope, ou « Always find a way (Jaydee Remix) » de Nine Yards. Ce sample représente complètement le son de Dilla dans sa période « nu soul », celle qui nous a marquée le plus et qui a inspiré tant d’autres producteurs.
Lorsque l’on gère un label, que l’on produit les disques des autres, et que l’on gère la carrière de beaucoup d’entre eux, comment se projette-t-on dans la création d’un nouvel album, tâche titanesque et forcément très pesante ?
La Fine Équipe : On apprend beaucoup en travaillant avec les autres, le travail de label demande énormément de temps, comme celui d’ingénieur du son pour Blanka et Gib (à Kasablanka Mastering et One Two Pass It Studio), pas facile de trouver une grande sérénité pour créer. On met juste un peu plus de temps qu’un artiste qui serait 100% focus sur ses compositions, ça demande un peu plus d’organisation.
Les morceaux de cet album, quand ont-ils été créés ?
La Fine Équipe : Ils ont été créé sur une période assez large pour certains d’entre eux. Justement à cause de nos nombreuses activités (label, studio, side projects…) c’est un album qui s’est construit autant en tournée qu’en résidence en studio c’est ce qui fait qu’il est varié. C’est un peu un condensé de ces deux dernières années de vie.
La cinquième saison représente un monde imaginaire, chacun peut se l’approprier
5th Season. Pourquoi ce nom ?
La Fine Équipe : La cinquième saison représente un monde imaginaire, chacun peut se l’approprier. Pour nous, elle arrive juste après la fin du monde comme une renaissance pleine d’espoir. C’est ce concept qui nous a guidé pour produire nos morceaux, mais ça reste de l’ordre de l’imaginaire et de l’abstrait.
« 5th Season », c’est aussi un regard sur le monde qui touche à l’état de la planète, au cosmos, au végétal, à ce qui est plus grand et plus fort que nous, à ce qui pourrait bien mener à notre perte ». Comment parvient-on, lorsque l’on fait du beatmaking et pas du hip-hop ou de la pop (des genres où le texte est forcément plus présent), à formuler ce genre de thématiques au sein d’un disque ?
La Fine Équipe : De manière général on pense qu’il n’y a pas besoin de texte pour faire passer un message ou une émotion. Le texte peux parfois même restreindre le champ des possibles. Pour véhiculer un message plus fort, on utilise des visuels, des clips… Encore une fois, c’est plus un état d’esprit dans lequel on créé. Pour le coup, cet album n’est pas un album de pur beatmaking. Nous nous sommes démarqué de nos précédents projets en invitant de nombreux rappeurs, chanteurs/chanteuses et musiciens. La thématique se retrouve aussi dans certains textes. Nous avons eu des discussions avec les auteurs pour aller dans le sens de l’album. Parfois, il n’y a même pas besoin de discussion, la musique inspire d’elle-même le texte et ça fonctionne ! Ça a été le cas pour « Aurora » avec Madjo, le titre qui ouvre 5th Season.
Visuel en Une © Bertrand Vacarisas