Une plongée dans la Jersey, ce sous-genre house qu’on entend partout.
A l’occasion du délicieux set orchestré par Cashmere Cat après celui dirigé par Flying Lotus ce week-end à Paris, et ce à peine remis de mes émotions, j’ai senti qu’une démarche encyclopédique de l’explication du registre musical et du succès de ce producteur à la longue mèche blonde s’imposait. C’est donc le sourire aux lèvres et dans les souvenirs embrumés du dernier track du set que je commence ce papier:
Il faut au préalable, afin d’établir une captatio benevolentiae, poser comme postulat que les amoureux de la House Music et de la Techno sont un public particulièrement enclin au débat et au crêpage de chignon éternel au fin fond d’obscurs forums à la limite du deep web.
Je m’expose donc par le présent papier aux semonces des plus véhéments d’entre vous.
Vous êtes sans doute nombreux ici présent à écouter Cashmere Cat, révélation des deux dernières années, le producteur a su, en quelques remixes et productions bien sentis, se faire un nom suffisamment sérieux pour tourner dans le monde entier. On vous parlait même de son dernier titre ici.
Vous écoutez peut-être ses morceaux en appréciant le subtil mélange entre House et R’n’B et cette pointe de Hip Hop. Ou alors, comme tout le monde aujourd’hui, vous le glissez derrière le mot trap comme vous le faites pour désigner toute production musicale vaguement rappée et aux sonorités électroniques. (Et je vous comprends, c’est nettement plus simple)
Cashmere Cat est pourtant un grand représentant de la Jersey Club, ou Jersey House au côté de Ryan Hemsworth (sur certaines de ses productions uniquement, notamment les remixes). A eux deux, ils sont les fers de lance de toute une nouvelle génération de producteurs qui se revendiquent de cette étiquette musicale.
Et le succès de ces deux musiciens amène aujourd’hui les mélomanes, les plus férus, ceux toujours en quête absolue de l’underground musical, à se surprendre eux-mêmes dansant sur des remixes de Ciara ou de Beyoncé, alors qu’ils auraient hurlé au scandale quant à l’emploi d’un simple sample il y a 5 ans.
Preuve d’un vrai impact de ce sous-genre dans la musique actuelle. Et processus que je me suis moi-même surpris à suivre, imposant dès lors une investigation sur ce nouvel espace musical.
Qu’est que la Jersey Club alors ?
A l’instar de toutes les appellations géographiques de la house (Chicago, madchester, ghetto tech à Detroit, Booty de Chicago, Miami Bass etc.) la Jersey House est née dans les clubs du New Jersey au milieu des années 1990, et plus précisément autour de Newark. Les pionniers du genre sont, de façon généralement admise, DJ Tameil, dj né en 1978 et revendiquant fièrement son appartenance à la Brick City (Newark), DJ Tim Dolla, Mike V et DJ Black Mic : à eux tous ils forment un crew qu’ils choisissent d’appeler les Brick Bandits, qui semble très fortement influencé par la house de Baltimore du milieu des années 80 (2 Live Crew : Luther Campbell mais aussi Frank Ski, Big Tony , Scottie B. et DJ Spen étant les figures pionnières les plus connues du registre).
La musique paraît en effet assez similaire, fondée sur des BPMs (Beats per minutes) autour de 140, et une très grande utilisation de samples très courts associés à des kicks (élément de batterie) pour donner un aspect groovy et rebondissant.
La différence notable se trouve alors dans l’utilisation plus importante de cuivres à Baltimore alors que la Jersey opte pour des kicks de batterie plus prononcés et travaille aussi les samples de manière nettement plus « chopped », c’est à dire hachurés en répétant certains mots ou beats. L’ensemble tend aussi vers une certaine douceur qui la distingue de la Bmore Club.
Aujourd’hui la scène connaît une exposition extrêmement importante, et ce qui semble être ici un débat érudit a pourtant réussi le tour de force de remplir le Yoyo à l’idée d’écouter un set du prodige Cashmere Cat qui donnait son interprétation de la Jersey club. Directement depuis sa Norvège natale…
Voici donc une série de morceaux pour découvrir la Jersey Club.
DJ Hoodboi
Tray Cartel
Trippy Turtle
Dj Sliinks
Afin de saisir la nuance avec la Bmore, confrontez maintenant ces précédentes écoutes au morceau ci dessous.
Visuel : (c) Pitchfork/Tim Mosenfelder