Et ce qui devait arriver arriva.
On aurait pu s’en douter, en mettant un système de surveillance tel que celui des États-Unis entre les mains d’une administration telle que celle de Donald Trump. Le ministère de la justice américain vient de retirer une demande qui visait à obtenir pas moins de 1,3 million d’adresses IP. Celles de toutes les personnes qui se sont connectées sur disruptj20.org, un site anti-Trump, visant à organiser des contre-manifestations lors de l’investiture du Président.
Tranquillement, la police fédérale américaine a donc demandé à DreamHost, qui héberge le site, de divulguer plus d’un million d’identifiants. Le procureur responsable du dossier nie les faits et assure ne pas avoir eu connaissance de cette demande, ni du volume de connexions sur le site.
Adresses IP, photos, et emails
DreamHost s’est empressé de tirer la sonnette d’alarme dans un post de blog, après réception de ce que l’hébergeur décrit comme un mandat officiel – sans pouvoir le prouver, puisque le dossier est sous scellé. L’entreprise déclare avoir été sommée de fournir toutes les informations en sa possession, sur le propriétaire du site, et absolument tous ses visiteurs : adresses IP, donc, mais aussi adresses email, contenu des communications, et photos. « Des millions de visiteurs – activistes, reporters, toutes les personnes qui voulaient simplement jeter un oeil au site – auraient vu leurs données livrées au gouvernement » explique l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui protège les droits digitaux aux États-Unis.
« DreamHost, comme beaucoup d’hébergeurs, est régulièrement approché par la justice pour fournir des informations sur ses clients, qui peuvent être visés par des enquêtes criminelles. Ce type de requête n’est pas rare », explique l’hébergeur, qui accepte ou refuse les demandes, en fonction de leur légalité. « Mais notre directeur juridique s’est alarmé de ce mandat, très peu ciblé et de cette demande qui porte atteinte à la liberté d’association et d’expression garantis par la Constitution. » Et d’ajouter : « Pour nous, c’est un abus clair d’autorité gouvernementale. »
Face à un torrent de critiques, le ministère de la justice a formulé une nouvelle demande officielle excluant les identités de la plupart des visiteurs, et s’appliquant à une période de temps définie – entre juillet 2016 et janvier 2017. Mais l’EFF insiste sur un point : « Le département de justice continue d’enquêter sur un site dédié à organiser et planifier une contestation et manifestation politique. C’est le coeur de la protection qu’offre le Premier amendement. » Affaire à suivre.
Visuel © Jack Gruber-Pool/Getty Images