La chronique de Jean Rouzaud.
Vous pensez parler français ? Oui, de mémoire, ou par imitation et souvent par bricolage, car les méandres de l’orthographe sont très sinueux et la « grammaire de nos grands-mères » ne suffit pas…(là je viens de faire une « allitération », en employant des syllabes qui se rapprochent : « grammaire » et « grand-mère »).
Le Grand livre des curiosités de la langue française par Gildas Tromeur, aux Éditions de l’Opportun, attrape le problème par tous les bouts et surtout par la pratique du langage. En réalité, on emploie des formules dont on ne connaît ni le nom, ni l’usage : amphybologie, apocope, hyperbole, chleuasme, épenthèse, hyperbate, métathése …Pourtant nous utilisons toutes ces formules.
Apocopes, métathèses, périphrases…
Ces noms barbares, souvent très drôles, limite absurdes, nous donnent envie d’en savoir le sens : par exemple, une phrase performative est une phrase qui entraine son accomplissement immédiat : « je vous déclare mari et femme », dit le maire…et c’est fait !!! (pareil pour les condamnations du juge etc.) Hélas, quand nous disons : « je vais faire ce travail », il n’est pas fait du tout.
Des métathèses, on en entend tous les jours : l’infractus , comme l’aréoport (pour infARCtus et AEROport), frustre au lieu de fruste ! Une petite lettre déplacée et c’est la métathèse assurée !!!
Et l’apocope : « cata » pour catastrophe, l’aphérèse : dire « blême » pour problème, et la périphrase : la pince à mégots pour la bouche…
Au XVIIe siècle, on a créé le « L » implosif : cou pour col, nouveau pour nouvel, beau pour bel ou fou pour fol…. On a explosé le L !!!!
Et si vous ne connaissez par l’hyponyme (le nom exact ) du cèdre , alors vous employez l’hyperonyme : un arbre…On fait ce qu’on peut !
Notre langue est précise, pointue, mais pas rigide
Quand à l’amphibologie (rien de commun avec le scaphandrier, la grenouille ou le sous-marin !), par exemple : « cet avocat est véreux », il s’agit d’une formule a double sens, parfois à cause de l’homophonie (avocat) et aussi de la polysémie : l’adjectif a double sens (véreux).
Enfin l’homographie : « l’amour aveugle » (l’amour est-il aveugle ou aveugle-t- il ? – et là c’est une éphelcystique, le T rajouté pour faciliter la prononciation). Et quand on dit un « machin, » un « truc », c’est un pantonyme (attention pas une pantomine !)
Oui je sais, à quoi bon ? Parce que c’est aussi un jeu, un puzzle, un passe-temps et une folie. Notre langue est précise, pointue, mais pas rigide, on n’a cessé de la bricoler, à partir du latin, mais ça n’allait pas, alors on a customisé le langage à tout va.
Ce livre (de poche) fou se penche aussi sur le savoureux chapitre des liaisons, les passés composés et surcomposés, mais aussi des irrégularités, des cas, des trafics…C’est comme lire une enquête sur un code qui a été trafiqué et ne correspond pas aux règles annoncées.
Récemment, je me suis dit que les étrangers devaient devenir fous avec le français et sa prononciation. Le même son a des sens différents : saut, sot, seau, sceau…Seul le contexte peut nous sauver. Les mots venant d’autres langues ressemblent à des recettes assaisonnées au goût français : du mix ou de la fusion ?
Et c’est sans fin puisque ça continue de changer.
Le Grand livre des curiosités de la langue française, par Gildas Tromeur, aux Éditions de l’Opportun. 270 pages. 14 euros 70.
Visuel en Une : (c) Getty Images / Helena de la Guardia – Éditions de l’Opportun