Les chroniques d’Usbek & Rica : #14.
Disneyland Memorial Orgy © Wally Wood, 1970s
Le dernier Disney, « La Reine des neiges », sorti la semaine dernière, nous donne à voir un nouveau genre de princesse : la princesse Anna d’Arendelle, la petite nouvelle, est une jeune femme sympa, marrante, fraîche, éprise de liberté, et qui n’a, si je peux me permettre, pas froid aux yeux. Les temps ont bien changé chez Disney depuis Blanche Neige ! La question que je pose donc aujourd’hui c’est : au train où vont les choses, les prochaines princesses Disney seront-elles encore plus cool, voire carrément bisexuelles, camées, alcolo, destroy, de vraies « springbreakeuse » ?
En deux mots, La Reine des neiges, c’est l’histoire de deux sœurs, Elsa et Anna, héritières du royaume d’Arendelle. Elsa, l’aînée, possède malgré elle le pouvoir de tout transformer en glace et en neige. Le jour de son couronnement, ça ne rate pas : furieuse que sa cadette Anna se soit amourachée sans le connaître du beau prince Hans, elle plonge Arendelle dans un hiver glacial, et, pétrie de culpabilité, s’enfuit dans la montagne. Sa sœur Anna confie les clés du royaume à son nouveau mec, et part à sa recherche, accompagnée de Christophe, un montagnard sympa qui accepte de l’aider.
A la fin, la reine Elsa revient chez elle, on découvre que le prince Hans est en réalité un gosse de riche cupide qui a voulu s’emparer du royaume, et Anna la frondeuse se rend compte qu’elle est amoureuse de Christophe, le hipster cool. La neige fond, le méchant est arrêté et tout le monde est heureux.
la 1ere princesse noire de l’histoire, une nouveauté qui a du faire se retourner ce vieux réac’ de Walt Disney dans sa tombe.
La façon dont la princesse Disney a évolué avec le temps est significative de la place de la femme dans l’industrie de l’entertainment pour enfants. Blanche neige, Cendrillon, la Belle au bois dormant, entre 1938 et 1959, sont lisses, fadasses, soumises à des princes charmants courageux, mais ennuyeux à mourir. Déjà, avec la 2e salve de princesses, on changeait de registre : Ariel, dans « La petite sirène », Jasmine dans « Alladin », Pocahontas et Mulan étaient exotiques, malines, beaucoup moins nunuches qu’une Blanche neige qui mordait bêtement dans la pomme empoisonnée tendue par la méchante sorcière.
Le gros changement de paradigme, ce fut bien sûr Tiana dans « La princesse et la grenouille », en 2008, la 1ere princesse noire de l’histoire, une nouveauté qui a du faire se retourner ce vieux réac’ de Walt Disney dans sa tombe.Les 3 dernières princesses franchissent un nouveau pas : Raiponce en 2010, Mérida dans « Rebelle » en 2012 et notre copine Anna dans « La reine des neiges » sont sexy, féministes, un peu garçon manqué, impétueuses, et tombent amoureuses de roturiers adeptes du Do It Yourself. Raiponce s’engueule avec sa mère et rêve de liberté, Mérida refuse carrément de devenir princesse, et Anna explique au type qu’elle drague sans vergogne qu’elle n’en a rien à faire de l’étiquette, qu’elle n’est pas ce « genre de princesse-là ». C’est d’ailleurs la première fois qu’un Disney est co-écrit et réalisé par une femme, Jennifer Lee, déjà scénariste des « Mondes de Ralph ».
Même à 40 ans, la princesse de chez Disney restera pure et romantique, elle ne sera pas une desperate housewife capable de se taper le jardinier.
La future princesse Disney sera-t-elle vraiment une adepte du Springbreak ? D’abord, je rappelle ce qu’est une springbreakeuse : c’est une étudiante américaine qui fait une pause de printemps d’une semaine ou deux en partant avec ses copines, si possible dans une destination tropicale, pour picoler, se droguer, danser, et se lâcher avec le ou les premier venus. La princesse Disney en possède certains traits : elle s’ennuie dans un quotidien monotone et rêve de nouveaux horizons, elle aime les sensations fortes, elle chauffe les mecs sans précaution.
Mais que les parents ou les futurs parents se rassurent, ça s’arrête là : chez Disney, les valeurs traditionnelles seront toujours préservées : la princesse aura beau être décomplexée, l’amour monogame triomphera, le prince et la princesse finiront par réintégrer leur château, ils auront des amis artistes pour les distraire, mais ils ne verseront pas dans la décadence. Même à 40 ans, la princesse de chez Disney restera pure et romantique, elle ne sera pas unedesperate housewife capable de se taper le jardinier. Elle organisera des dîners de charité, distribuera son argent à des associations caritatives, elle twittera, s’autorisera un verre ou deux et un petit joint de temps en temps. Rien de grave !
Ce vieux réac’ de Walt toussotera un peu dans sa tombe, mais la structure familiale de l’Amérique tiendra debout et l’argent continuera de couler à flot dans les caisses de Walt Disney Pictures. L’honneur sera sauf. Hélas.