Je ne sais pas vous, mais moi, aussi loin que je me souvienne, minot, haut comme trois pommes à genou, dans la cuisine à l’heure du petit dej’, entre tartines beurrées et chocolat chaud, résonnait la radio : les périphériques ou les radios de l’ORTF comme on disait à l’époque. Il n’y avait que ça, faut dire. Ceux qui me connaissent, savent que c’était bien avant l’arrivée des radios libres sur la FM. Dans ma cuisine, mal réveillé, j’entendais les infos du matin tout en révisant à l’arrache mes leçons. Un peu plus tard, les yeux encore endormis, j’écoutais la voix de l’éditorialiste qui jour après jour donnait le pouls de la journée. Il reprenait les propos d’un tel ou d’un autre, les analysait, les critiquait, les vilipendait ou leur donnait quitus. Je m’en souviens. J’imaginais ces magisters tels des avocats drapés dans leurs vertus et leurs partis-pris. Je les aimais ou les détestais selon les thèses qu’ils déroulaient au micro. Sa voix docte, leurs voix car ils étaient plusieurs, ne sont jamais très loin quand vient l’heure de mon billet.
Mais quitte à vous décevoir, j’ai réalisé dernièrement que mieux qu’éditorialiste, j’aurais aimé être reporter, je crois. Oui, reporter ! J’aurais aimé être ce journaliste toujours prêt à partir pour ailleurs, à partir sur tous les fronts, reporter de guerre ou reporter de paix plutôt, reporter culturel, un billet d’avion ou un ticket de métro dans la poche, parce que l’ailleurs est parfois au coin de la rue ! J’ai ça en moi. Je l’avoue. Reporter culturel, quel beau métier ! Aller traquer l’info, aller rencontrer les musiques où elles se trouvent, s’épanouissent, quel kif. J’adorerai. Reporter, un métier d’avenir qui plus est ! Oui Reporter, un métier d’avenir car aujourd’hui et ce n’est pas la dernière conférence de presse de Jean Castex qui me donnera tort : tout est reporté !
Tout est reporté à demain ou à plus tard, à une date ultérieure, une date qu’on reportera encore et encore parce qu’il en va ainsi des choses non essentielles qui me donnent à moi comme à vous peut-être en studio, comme à vous probablement chez vous, envie de vous lever. Tout ou presque aujourd’hui est procrastiné… car la procrastination est le nouvel art de vivre, ou plutôt le nouvel art de patienter en attendant de vivre dans un futur irréel, un futur qui avale notre quotidien impossible, notre présent déporté, notre quotidien reporté à des jours meilleurs. Reporter, un métier d’avenir, si avenir on a !