À Paris, les deux créatrices de ce dictionnaire téléphonique aux accents féministes revitalisent notre passion des mots rares et des néologismes, tout en blâmant le charabia libéral de la start-up nation. Fantasmagorique !
« Bonsoir. Merci pour votre appel. Savez-vous ce qu’est une belladone ? » Nous sommes lundi, il est 18H39 et je viens de composer le 07 58 25 10 43, la hotline de La P’tite Roberte, ce dictionnaire téléphonique aux accents féministes créé en 2020 par deux mystérieuses justicières du langage, Nadiam’s et Louise Aloupic. Ces derniers mois, leurs autocollants fleurissent un peu partout en ville, clamant que la centrale d’appel est joignable du lundi au vendredi de 18h à 20h. Timide, je me hasarde à répondre que la belladone est peut-être un opéra italien au sujet d’une jolie dame. Perdu. Il s’agit d’une plante parfois surnommée « la cerise du diable », qui a pour effet immédiat, une fois consommée, de « dilater la pupille » ; elle peut provoquer « des transes et des hallucinations » et les sorcières du Moyen-Âge l’utilisaient pour des rituels de magie noire avant que la Renaissance n’en fasse un onguent susceptible de soigner le système digestif. Par extension, la dilatation du regard chez certaines Italiennes et leur capacité à « susciter le trouble auprès de la gent masculine » aboutira à la naissance de l’expression « avoir une coquetterie dans l’œil ». Je raccroche, pas déçu du voyage. Florian, l’un des assistants de la rédaction de Radio Nova, découvrira quant à lui l’existence de la « sitophilie », qui désigne l’excitation sexuelle produite par la nourriture. Miam. Merci La P’tite Roberte !
À bord de L’Arche de Nova, Louise Aloupic et Nadiam’s remplacent l’Académie française (« et ses dix trains de retard ») par une nouvelle institution collective inclusive intitulée « Hop-hop-hop, t’as dit quoi, là ? », pour revitaliser notre passion des mots rares et des néologismes, tout en blâmant le charabia libéral de la start-up nation, sans oublier de citer Chloé Delaume, Virginie Despentes ou la poétesse et essayiste queer afroféministe américaine Audre Lorde (1934-1992), pour « virer les galimatias qui mentent, détruisent, uniformisent » et « remettre au centre de nos interactions les tchatches qui unissent, éduquent et partagent ».
Enregistrement : Benjamin Macé. Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter une autre utopie langagière, c’est ici : https://www.nova.fr/news/mattia-filice-demain-tous-les-mots-seront-payants-79150-16-12-2020/
Image : Girl 6, de Spike Lee (1996).