« No », un film sur le publicitaire chilien qui a dégagé Pinochet
5 octobre 1988. Depuis son coup d’Etat en 1973, le général Augusto Pinochet a la main-mise sur tous les malheurs du Chili. Il est temps pour lui de redorer son image et légitimer sa présidence face aux pressions internationales. Il organise un référendum populaire : « doit-il rester au pouvoir ? ». Bien sûr, il pense le OUI déjà acquis…
Mais c’est sans compter le Don Draper chilien, René Saavedra, directeur artistique habitué à écouler à tout-va du soda et des micro-ondes dans ses spots publicitaires, sous des airs imprégnés et philosophes. Désormais, le pays est prêt pour le changement.
Les dirigeants de l’opposition persuadent ce jeune et brillant publicitaire de concevoir leur campagne. Avec peu de moyens, Saavedra et son équipe imaginent des spots innovants pour libérer le pays de l’oppression, malgré la surveillance constante des hommes de Pinochet.
C’est le pitch du film « No ! » du jeune cinéaste chilien Pablo Larrain, sorti en salles mercredi dernier.
Durant un mois, le camp du « non » a droit à 15 minutes de temps disponible sur la télé chilienne, le camp du oui aussi. Commence la bataille des images, spots de pubs contre spots de pubs. L’objectif de Saavedra ? Battre le régime avec ses propres armes de communication, inspirées par l’ultralibéralisme et le consumérisme des Etats-Unis, plutôt que d’afficher le compteur des déportés, torturés et disparus de la dictature. Il vantera donc « la joie du non » !
Arc-en-ciel, t-shirts et baskets, gueule d’ange et branchitude... Pour une fois, les symboles cool américains ne sont pas syphonnés pour la consommation, mais bien pour un changement politique profond.
La publicité telle qu’est est apparue à la télé en 1988
Dans le documentaire « Les rebels du foot » diffusés cet été sur Arté, on voit aussi le joueur de foot Carlos Caszely – ce « gauchiste ailier droit » (comme le surnommait Pinochet) – contribuer à la campagne du NO. Dans un spot intélligent et poignant, il fait témoigner sa mère sur la torture que les sbires de Pinochet lui ont fait subir. Caszely s’est ainsi publiquement opposé au dictateur et a oeuvré en partie à la victoire du non.