En Tunisie on se bat à coup de bottes de persil pour un paysage médiatique libre et varié
Printemps arabe Saison 3 ! C’est l’heure de la mutation pour le symbole de la révolution tunisienne. Exit le jasmin, place au persil. C’est ce qu’ont vendu sur une place publique les journalistes de la chaîne de télévision El-Hiwar Attounsi, l’un des principaux médias d’opposition au parti islamiste Ennahda. Quoi de mieux qu’une plante aigre et piquante pour exprimer son désaccord contre la troïka au pouvoir ?
A l’origine de cette histoire de persil, la chaine tunisienne lançait un appel aux dons il y a une semaine sur sa page Facebook. L’annonce a aussitôt déclenché une vague de commentaires ironiques recommandant aux journalistes d’aller plutôt « vendre du persil ».
Soupçonnant le parti au pouvoir, Ennahda, d’être derrière ces sournoiseries, ceux-ci ont pris le message au pied de la lettre. Ils étaient réunis ce mercredi pour une grande vente de bottes de persil dans le centre-ville de Tunis, manifestant pour un paysage médiatique libre et varié.
Les mille bottes sont vendues dès le matin. Enthousiasme stupéfait pour Aymen Rezgui, rédacteur en chef de la chaîne El-Hiwar. Un autre stock de « persil pour des médias citoyens » est écoulé dans l’après-midi. « Des personnalités publiques sont venues nous soutenir. Cet élan de solidarité nous touche. Cela prouve que les citoyens sont conscients de l’importance d’avoir un paysage audiovisuel varié ».
Mais Ennahda a dressé son mur. Le manque de moyens financiers de la chaine s’explique par une baisse des recettes publicitaires. « Depuis novembre dernier, plusieurs sociétés privées qui passaient des annonces sur notre antenne nous ont contacté pour nous dire que des membres d’Ennahda ont fait pression sur elles pour qu’elles suspendent leurs campagnes sur notre antenne » déplore Aymen Rezgui.
Ces pressions se retrouvent aussi sur Facebook. Campagnes de dénigrement, insultes… La magouille est orchestrée par Ennahda, gouvernement et militants. Mardi dernier, l’un des journalistes d’El-Hiwar était interdit d’entrée à la conférence de presse du ministre de l’Intérieur sur l’arrestation des assassins présumés de l’avocat Chokri Belaïd. Sa caméra était saisie et le contenu de sa cassette effacée car il avait filmé les policiers menaçant les journalistes. Le tout sous couvert « d’atteinte à la liberté d’expression ». Un comble dans un pays « libéré » de Ben Ali mais pas de la censure, puisqu’il perd 4 points au dernier classement de Reporters Sans Frontières.
Source: les Observateurs.