On peut taper sur le progrès !
Avec le petit pavé de 430 pages en poche: TECHNO CRITIQUES – du refus des machines à la contestation des technosciences, Les Editions La Découverte assènent un coup de pied salutaire au postérieur replet des techniques et sciences en général, de ces fameux progrès que les gouvernements imposent.
Car n’en doutez pas : toute découverte ou technique doit servir l’état et les entreprises affiliées, sous peine de ne pas être accessibles. L’histoire du monde est jalonnée de ces inventions et techniques qui font trimer les peuples. Ce livre historique raconte les grandes inventions et comment elles furent sur-utilisées pour le travail, le contrôle, la colonisation, la guerre et les usines. Malgré les protestations des quelques penseurs ou philosophes, jamais personne n’accepta de doser l’usage des inventions et leur danger…
Chez nous : entre 1945 et 1975 l’ouvrier des mines de fer de Lorraine, extrait 10 fois plus de minerai grâce aux machines (marteau piqueur, treuils ?) et les accidents et maladies professionnelles augmentent en proportion. Dans les mines de charbon, la mécanisation entraine des poussières qui multiplient les risques sanitaires.. Pendant la révolution industrielle et dès la fin du 18eme siècle, chaque invention envoie au chômage des milliers d’hommes… et les femmes à la prostitution : 200 000 prostituées à Londres au 19eme siècle, par manque de travail et sous paiement !
Pratiquement jamais les bénéfices dus aux machines ne sont partagés avec les employés. Seuls quelques dockers obtiennent par la force un peu de partage. Le train est caricaturé par le peintre Daumier, qui y voit la perte de contrôle de l’espace, du temps, et l’invention de l’homme pressé. De son côté GANDHI explique la conquête de l’immense Inde par les Anglais, grâce au même train qui permet le contrôle, l’envoi de troupes, de matériel et la colonisation contrôlée partout.
Victor HUGO dénonce aussi l’horreur mécanique et le travail des enfants dans son poème Melancholia. ZOLA écrit l’Assommoir, pour décrire les atrocités des mines. BYRON soutient les émeutiers ( les « Luddites » anglais). Les monstres industriels sont si gros et puissants que Thomas CARLYLE appelle cet âge mécanique le MAMMONISME ( culte du Dieu Argent), et tout le mouvement ROMANTIQUE nait et se bat contre le progrès inhumain et destructeur.
BAUDELAIRE déplore les idées grotesques des inventions « qui jettent des ténèbres sur tous les objets de la connaissance » . Seul Auguste Comte et le catéchisme positiviste des Saint Simoniens exaltent les sciences comme la continuation de l’œuvre de Dieu !
La guerre de 14 va montrer ce que l’industrie peut faire: bloquer les armées entières enterrées sous les bombes, les gaz, les chars, les canons, les avions ! Un demi siècle plus tard, les Futuristes chanteront aussi le sublime progrès, la vitesse, l’avion, l’acier, dans une sorte de MODERNISME REACTIONNAIRE, mais les Nazis vont appliquer les coups de boutoir de l’industrie lourde à la guerre éclair.
Jules VERNE qui adorait les inventions, finira par accuser les savants de folie destructrice (Philipe K Dick fera un siècle plus tard le même constat : le progrès rend fou et paranoïaque. La science mène à un mode absurde et schizophrène).
Ce petit livre dense raconte tous les partisans et ennemis de la science. En réalité les POUR sont souvent exaltés et mégalomanes, et les CONTRE demandent la plupart du temps un DOSAGE des progrès, et du TEMPS pour s’habituer. Mais il est dit que les humains abusent d’abord des nouveaux pouvoirs, AVANT de réfléchir aux horreurs qu’ils déclenchent ! Les richesses de la terre sont pillées.
Cet historique décomplexe pour CRITIQUER vraiment les progrès technologiques. Notez que ce ne sont jamais les inventions en elles – même qui sont en cause, mais l’ABUS qui en est fait : l’obligation de les utiliser massivement, sans aucun frein !
Il n’existe AUCUN organisme international de dosage ou de blocage d’inventions inutiles ou trop polluantes, ou abusives en matière écologique et humaine !
Techno-critiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences .
Par François Jarrige . Edtions La Découverte . 420 pages . 13 Euros 50