L’album passé inaperçu à sa sortie, sous le feu des projecteurs 40 ans plus tard.
On se demande qui dans la famille Kabaka a les meilleures anecdotes à sortir au diner du dimanche. Alors que son fils est le batteur du groupe Gorillaz, Remi Kabaka, l’un des parrains de la funk nigériane, profite d’un repos bien mérité après une carrière à avoir tutoyé le meilleur de la musique de son époque. Kabaka (senior) vit désormais aux États-Unis, profite de son statut de funkmaster retraité et peut regarder dans le rétroviseur un paquet de disques aguicheurs comme Son of Africa, un album devenu culte des années après sa sortie.
Le fils de l’Afrique
Remi Kabaka est né au Ghana en 1945 et a grandi au Nigeria avant de se rendre à Londres. Là-bas, il a rencontré le gratin la scène musicale locale et s’est produit dans quelques clubs dans lesquels les musiques venues d’Afrique étaient célébrées. Sa maitrise des percussions lui ouvre progressivement les portes des studios et des scènes de festivals et de grandes salles du pays, où il prête main-forte à de nombreux groupes qui ont façonné l’air du temps.
En 1969, il assure les percussions pour les Rolling Stones à Londres à Hyde Park lors d’une représentation prolongée de « Sympathy for the Devil », devant une foule estimée à un demi-million de personnes. Lancé, Remi Kabaka collectionne les collaborations légendaires, de Paul McCartney sur son projet Wings, au géant du jazz sud africain Hugh Masekela, en passant par des sessions studios avec Led Zeppelin, Eric Clapton, Deep Purple et Stevie Wonder… le maître du rythme est très demandé. En parallèle, Remi Kabaka participe au développement et à la popularisation de la musique du continent africain en solo et avec le groupe Osibisa qu’il accompagne sur la section rythmique.
Au milieu des années 70, Chris Blackwell, patron du label Island Records, lui propose de sortir un album solo. À ce moment-là, Blackwell a de l’or dans les doigts. L’islander a produit Bob Marley, Toots and the Maytals et a contribué à populariser le reggae dans le monde et en particulier au Royaume-Uni, où le genre est très populaire. Cette collaboration avec Blackwell est une très bonne nouvelle pour Remi Kabaka, qui y voit l’opportunité de faire connaitre son art auprès du grand public.
L’offre et la demande
C’est de cette collaboration que Son of Africa, élixir de groove concentré, a vu le jour. Le disque est excellent, parle au bassin et répond tout à fait à l’envie de Remi Kabaka de propager les rythmes du Ghana et du Nigéria, l’afrobeat ou le highlife, à une audience plus large. Malheureusement, le disque est un échec commercial.
Sortie à l’apogée de la popularité du reggae et du dub, la galette n’arrive pas à séduire une audience et finit reléguée au fond des bacs de disques et collecte la poussière. Remi Kabaka ne se décourage pas, il sort quelques autres disques et continue les collaborations mythiques en jouant avec Fela Kuti à Lagos dans les années 80. L’accueil mitigé réservé à son disque ne représente qu’une zone d’ombre dans un parcours brillant.
Dans les années 2000, Son of Africa bénéficie d’un regain de popularité sur le net. Sur les sites de reventes, son prix monte à 700 pounds pièces, une petite fortune. Les années aidant, un groupe de diggers s’est aperçu du génie du disque et s’est disputé les rares copies pressées à prix d’or. Bonne nouvelle, vous pouvez ranger vos liasses, fini la spéculation, il est maintenant réédité par le label BBE Music. Le disque est bouillant et disponible sur leur page Bandcamp. À manipuler en portant des gants pour éviter de se brûler.