Aujourd’hui dans La Potion, nous partons prendre l’air en Italie du Sud à la (re)découverte de la tarentelle, une musique de transe qui vous fera danser comme des possédé.e.s !
Tous les jours dans Nova Lova, Jeanne Lacaille vous propose une chronique sur les musiques rituelles, les rythmes issus des musiques de guérison (traditionnelles ou repassées à la moulinette des musiques actuelles), des plantes ou bien des savoirs hérités racontés par des invité.e.s un peu sorcier.e.s de passage à Nova. Un podcast réalisé par Tristan Guérin.
Originaire du Golfe de Tarente en Italie du Sud, la tarentelle se danse avant tout : appelée pizzica, cette danse très vive s’accompagne traditionnellement d’un tambourin. Au fil des saisons, la tarentelle a essaimé de la Sicile à Napoli mais, si ses formes sont multiples, elles ont toutes en commun un rythme ternaire, comme c’est le cas dans la majorité des musiques de transe, du gnaoua au maloya réunionnais.
L’Histoire raconte que les tarentelles sont des danses paysannes qui ont émergé dans le sud de l’Italie vers le 14e siècle mais plus que des danses festives, les tarentelles sont aussi des rituels thérapeutiques. Car de tarentelle à tarentule, il n’y a qu’un petit pas à faire… Cette danse extrêmement effrénée sert à exorciser le mal provoqué par les morsures de tarentules. En dansant jusqu’à la transe, en transpirant, le tarantolato – celui qui a été mordu – finit par suer tout le venin de l’araignée. Une danse thérapeuthique donc, qui s’est un peu perdue au fil des générations, comme de nombreuses traditions paysannes.
Heureusement, l’anthropologue italien Ernesto De Martino commence à s’intéresser à la tarentelle à la fin des années 50, un rituel musical que l’ethnomusicologue français Gilbert Rouget désigne carrément comme un culte de possession. Il n’y a pas qu’une tarentelle dans le sud de l’Italie, il y en a toute une famille mais elles ont toutes en commun d’avoir un rythme ternaire, comme la majorité des musiques de transe, du gnaoua au maloya réunionnais. Plus étonnant, certains compositeurs classiques, des pianistes surtout, se sont inspirés de la tarentelle au 19e siècle, c’est ainsi qu’on la retrouve dans les répertoire de Rossini, Chopin, Debussy ou encore Franz Liszt.
Aujourd’hui, le répertoire de la tarentelle est toujours très vivant et largement renouvelé grâce à des groupes locaux tels qu’Officina Zoé mais aussi grâce à un festival, La Notte della Taranta, un festival qui anime chaque année les nuits estivales de Salento au Sud de l’Italie. Depuis 1998, l’évènement est dédié à la redécouverte et à la valorisation de la musique traditionnelle de la région des Pouilles. Le festival confie chaque année à un compositeur la tâche de créer une pièce originale autour de la tarentelle. En 2015, c’est le musicien turinois Ludovico Einaudi qui s’y est collé : il a passé plusieurs mois avec les 90 musiciens de l’Orchestre Populare de la Notte della Taranta pour composer Taranta Project, un album qui nous plonge au cœur d’un monde de mythes et de légendes, tout en restant ouvert sur le monde puisque le compositeur invite notamment le violon riti du griot gambien Juldeh Camara et le maître de la kora Ballaké Sissoko.
La tarentelle, une bonne recette si jamais vous êtes piqué.e.s par une tarentule, également tout à fait recommandée si vous avez envie de vous défouler un bon coup : dans tous les cas, la tarentelle vous fera du bien !