Et le pire, c’est que c’est bien.
Depuis quelques jours maintenant, Youtube est au coeur des réflexions des maisons de disques sur les comptabilisations de streams. En gros, maintenant que les lectures en ligne sont comptabilisées dans les disques d’or, elles sont plus que jamais le nerf de la guerre.
On voit donc de nouvelles stratégies apparaître, notamment au travers d’une vidéo uploadée par les équipes de Post Malone, et son titre « Rockstar », numéro 1 aux États-Unis.
En effet, cette vidéo contient uniquement le refrain, répété à cinq reprises, afin de bien rentrer dans le crâne… Et beaucoup y ont vu une stratégie marketing pour gonfler les streams, qui sont aujourd’hui comptabilisés comme des ventes de disques par le Billboard (le Billboard Hot 100, établi par le magazine américain Billboard, est le classement hebdo des 100 chansons les plus populaires aux États-Unis).
Billboard a donc annoncé entamer une réflexion pour que les streams gratuits (Youtube) soient moins valorisés que les streams payants (Spotify et Apple Music). L’objectif ? Rééquilibrer les statistiques. Et rendre le classement, si important de l’autre côté de l’Atlantique, plus représentatif de la réalité vraie.
Algorithmes et bon goût ?
Mais là ne sont pas les seules incidences de Youtube sur la musique, et le dernier exemple en date est fascinant.
La question des algorithmes de recommandation est l’un des enjeux les plus importants de ces dernières années dans le secteur musical. Les « radios » développées par les plateformes de streaming soumettent des titres à leur audience, en fonction de leurs écoutes. Elles sont donc suggérées à partir des données collectées sur l’utilisateur.
On peut y voir plusieurs défauts : on écoute alors toujours plus ou moins la même chose, les mêmes registres, et il y a un amoindrissement certain de la curiosité. De manière plus générale, les algorithmes ont déjà pris le contrôle de nos vies. Depuis les pubs ciblées de Google jusqu’aux recommandations d’ « amis » de Facebook, ils ont même été pointés du doigt dans le cadre de campagnes politiques.
Mais parfois, au-delà de l’implacable rigueur impliquée par une ligne de code, surgit un peu d’humain derrière les machines. Il arrive que des algorithmes fassent découvrir de vrais bons morceaux, et participent même à leur succès à plus grande ampleur.
C’est exactement ce qu’il arrive à un groupe de surf-pop lo fi norvégien : Boy Pablo.
Un buzz venu de nulle part
Depuis un peu plus d’une semaine, leur vidéo « Everytime » apparaît dans beaucoup de colonnes de droite de pages Youtube, avec une miniature d’un gamin en short et en hoodie rose. Il faut croire qu’on a été beaucoup à finir par cliquer dessus, car la vidéo cumule maintenant 500 000 vues alors qu’elle n’en avait que 70 000 il y a 15 jours. Pourtant le morceau date un peu, il a été publié le 17 mai dernier.
Contactés par Pigeon & Plane, le groupe dit avoir constaté que le compteur de vues explosait depuis une dizaine de jours. Selon eux, leur premier micro-buzz était un post sur Reddit, qui avait dû leur rapporter quelque chose comme 20 000 vues.
Mais il se passe bel et bien quelque chose depuis deux semaines, on le constate même dans les commentaires.
Pour le groupe quelque chose de complètement fou est en train de se passer. Ce titre se distingue de tous leurs autres morceaux, qui plafonnent à maximum 80 000 vues avec une moyenne de 20 000 vues. Une disproportion majeure, donc.
Le morceau s’est aussi retrouvé en home de Youtube, et dès lors, la vidéo a gagné 50 000 vues par jour.
Mais comment expliquer cette soudaine promotion ? C’est là où le post Reddit a son importance. Car si la base de recommandation de Youtube est un algorithme très personnalisé, en fonction de vos habitudes de visionnage, de vos recherches, de vos abonnements et de l’engagement sur les vues (like, dislike, commentaire…), un des nerfs de la guerre de la plateforme est tout de même la durée de visionnage. Or, le morceau étant de fort bonne facture, il est probable que les gens l’aient écouté en entier. Le post Reddit a dû donner une impulsion de lectures intégrales qui a directement fait remonter la vidéo dans les priorités de l’algorithme de Youtube, lui donnant une exposition disproportionnée par rapport à la notoriété du groupe, et la machine du buzz exponentiel s’est alors mise en route.
On peut prédire un succès d’envergure au morceau en question, à l’image de celui qu’avait connu Cigarettes After Sex, d’après des modalités très similaires. Une chose est sûre, pour les « curators » c’est-à-dire ceux qui, comme Radio Nova, cueillent les morceaux à la main, l’impact des algorithmes est tout simplement vertigineux.
Visuel : (c) capture d’écran Youtube