Film qui roule des mécaniques ou chronique plus modeste, L’amour ouf et Barbès, little Algérie se rejoignent comme autoportraits en creux de leurs réalisateurs.
2024 aura donc été pour le cinéma français, le retour aux ambitions. Et aux moyens accordés pour cela. Que ce soit pour rivaliser avec les blockbusters américains, en finançant Le Comte de Monte-Cristo, ou en alignant une trentaine de millions d’Euros pour L’Amour Ouf. Le nouveau film de Gilles Lellouche, est donc un film qui déborde. D’argent certes, mais surtout d’envies. De cinéma comme de romanesque ou de romantisme. L’épopée sentimentale de Clotaire le délinquant et Jackie la petite bourgeoise, revisite prolo de Roméo et Juliette dans le Nord français ouvrier des années 80 et 90 tient d’une boulimie, d’un surrégime volontaire.
Au-delà de celui de ses personnages, L’Amour Ouf, c’est aussi celui de Lellouche pour le cinéma. Pour les réalisateurs, via une stylisation opératique, citant entre autres les Scorsese ou Coppola des grandes heures, comme pour les acteurs, au vu d’un casting offrant pléthores de seconds rôles – parfois jusqu’à la fugace apparition. Une générosité jusqu’au ras la gueule, parfois au détriment d’un film qui finit par s’essouffler ou à se perdre dans une sur-démonstration formelle, là où l’écriture aurait pu être moins éparpillée, mais qui pousse malgré tout à la sympathie par son envie de cinéma populaire ET spectaculaire ou celle d’entretenir pour mieux la porter la flamme d’une fureur de vivre adolescente.
Des centaines de kilomètres séparent les Hauts-de-France de L’Amour Ouf de Barbès, Little Algérie, chronique de quartier qui venge au minimum des clichés ripolinés d’Emily in Paris. La redécouverte par un Franco-Algérien de retour à Paris de ses origines se débarasse de la sempiternelle vision pittoresque de Barbès pour en faire une enclave de solidarité méditerranéenne. Il y a quelque chose du cinéma néo-réaliste italien, en version blédarde, dans cette collection de vignettes socio-culturelles, par sa combinaison de truculence pour dépeindre une communauté pleine de vie et de gravité mélancolique via la peinture des affres identitaires des bi-nationaux. Sofiane Zermani (alias Fianso) y confirme sa mue de rappeur en acteur des plus doués pour incarner ces dualités. À travers lui, comme à travers une galerie d’attachants personnages se dépatouillant d’un système D, se diffuse un humanisme à la Ken Loach, mais aussi une passerelle inattendue avec L’Amour Ouf. Bien qu’à l’opposé économique ou de modestie. Barbès, Little Algérie s’y jumelle dans ce qu’ils dévoilent de leurs réalisateurs, Hassan Guerrar novice derrière la caméra, mais connu dans le milieu en tant qu’attaché de presse fort en gueule ou Gilles Lellouche se trimballant encore une étiquette de virilisme bourrin.
Leurs films, autoportraits entre les lignes, tout en sensibilité et pudeur, sont aussi particulièrement touchants quand ils osent y tomber le masque, pour une même quête de reconnaissance. Voire d’amour.