C’est l’anniversaire d’un disque emblématique, sombre, intime et qui a pourtant touché des millions d’auditeurs : “Back to Black”, deuxième disque d’Amy Winehouse, sortait en octobre 2006.
La semaine dernière, on racontait l’histoire de Frank, l’album qu’Amy Winehouse compose juste avant cette œuvre-là. Mais si, à l’époque de Frank, Amy était encore une jeune femme moqueuse et mystérieuse, quand sort Back to Black, beaucoup de choses ont changé pour elle. D’abord, elle a connu un petit succès en Angleterre et a goûté la joie du succès autant que son intensité. Et puis, entre-temps, elle s’est mariée à Blake Fielder Civil, un homme qu’elle a aimé follement et qui lui a rendu avec violence. Avec lui, elle a commencé à consommer beaucoup de drogues. Ça pourrait sembler privé, mais chez elle ça ne l’est pas, parce que ce disque parle précisément de cela, de ses démons, de ses addictions.
Malgré tous ces nuages, cette période est aussi une époque heureuse pour elle. Amy Winehouse traîne dans des pubs, où elle excelle au billard et redécouvre sur le jukebox de nombreux disques vintage qu’elle a adoré chanter avec son père et sa grand-mère plus jeune.
« They tried to make me go to Rehab
But I said no, no, no »
Au milieu des années 2000, elle est inspirée par ces divas et génies de la soul qu’elle écoute en boucle. Mais ce qui va la pousser à écrire de nouvelles chansons et à composer un nouveau disque, c’est une rupture et une descente aux enfers. Blake la quitte en 2005 et elle sombre dans la drogue. Alors sa famille et son équipe veulent l’envoyer en cure de désintox. Mais si vous connaissez cet album, vous savez qu’elle refuse d’aller en rehab et qu’elle préfère chanter trois fois non que de se sevrer.
La puissance d’Amy Winehouse c’est que malgré cette tempête, elle veut continuer à créer, parce qu’elle sait que la musique la maintient en vie. Alors elle va à New York, elle tient à rencontrer Mark Ronson (son futur producteur) et elle est emballée quand il lui présente les Dap Kings, ces musiciens qui sont les piliers de la soul new yorkaise vintage. Elle écrit, enregistre, essaie avec dévouement et acharnement. Pendant plusieurs semaines, elle se bat pour composer cette œuvre. Elle y conte tout ce qu’elle ressent, cette mélancolie dans laquelle elle se noie chaque jour un peu plus, sauf quand elle chante. Elle le fait avec un tel talent, une telle profondeur, une telle bonne entente avec les musiciens, que quand le disque sort, tout le monde est époustouflé. Qui est capable d’interpréter une œuvre que l’on croirait produite en 1960 ? Qui sait se mettre à nu ainsi sans risquer l’impudeur ? Comment est né cet équilibre parfait ?
Amy Winehouse, en 2006, à 23 ans, sort son chef-d’œuvre. Celui qui va emballer tout le monde, follement, immédiatement. Ce disque, c’est aussi celui qui va lui faire beaucoup de mal, parce que le succès charrie son lot de malheurs.
Mais il n’empêche, aujourd’hui nous ne sommes pas là pour pleurer, mais pour la célébrer, alors écoutons-là.
Si vous voulez lire la suite de sa vie, n’hésitez pas à découvrir la géniale série d’articles que Sophian Fanen lui a consacrée dans le journal Les Jours.