On fête les 30 ans d’un album génial, qui a failli être un génie incompris et qui finalement a été reconnu à sa juste valeur.
Tous les jours dans Alpha Beta Nova (lundi au vendredi, 9h-12h), Sophie Marchand célèbre un anniversaire, d’une personne, d’un disque ou d’un événement.
L’anniversaire du jour, c’est l’histoire du disque qui a surpris l’industrie de la musique. Un album qui a fait douter les maisons de disque qui travaillaient dessus, et qui a pourtant immédiatement conquis le cœur des auditeurs. C’est l’anniversaire d’un classique du hip-hop : de The Low End Theory d’A Tribe Called Quest.
The Low End Theory, que certains et certaines d’entre vous ont sûrement acheté la semaine même de sa sortie et l’ont précieusement gardé depuis, sort un 24 septembre 1991. C’est le deuxième album du groupe, sorti seulement quelques mois après leur premier disque qui leur a permis d’entrer très vite et très fort dans le monde du hip-hop alternatif, jazzy, malin.
Dès leur début on sent que le groupe veut faire les choses bien, quitte à passer pour des gars un poil trop sérieux. Mais peu importe, A Tribe Called Quest, ce sont des bosseurs. Alors même qu’ils profitent du succès de ce premier disque, ils décident vite de retourner en studio, et de travailler pendant des mois.
S’ils font ça vite, c’est aussi parce que Phife Dawg vient d’apprendre qu’il est diabétique : et alors qu’il se demande s’il doit arrêter les excès et la musique, il se laisse convaincre par Q-Tip de s’investir encore plus dans le groupe, au moins pour cet album.
Une œuvre classique aux influences pointues
À cette période, le groupe se détache un peu du collectif avec lequel il a commencé, les Native Tongues qui ont changé la face du hip-hop mondial en collectif, puis dans leur carrière solo. A Tribe Called Quest prend ses distances afin d’affirmer aussi ses spécificités, son rapport au jazz, très référencé. Son rapport minimaliste, mais tellement efficace aux samples également.
Ali Shaheed Muhammad bosse comme un dingue sur la recherche de ces samples, aux côtés de Q-Tip qui dirige la production guidée par son idée précise du son dont il rêve pour cet album : énormément de basses et beaucoup d’intelligence.
En plus de la texture sonore, le groupe travaille les paroles, critique l’industrie musicale, évoque la société américaine, son racisme, son rapport débridé à la consommation. Q-Tip tient à ce que l’album ne soit pas vulgaire et qu’il ne comporte pas d’insultes.
Tout ça, nous savons ce que ça a donné : un chef-d’œuvre. Seulement à l’époque, la maison de disque n’est pas convaincue et craint que l’album ne soit un échec. Peut-être parce qu’il est trop aventureux d’un point de vue sonore, pas assez gangster dans les lyrics aussi.
Eh bien ils se trompent : The Low End Theory trouve immédiatement son public. En quelques années à peine, la critique et l’industrie du disque s’accordent à dire que cet album est un classique. Alors voilà, joyeux 30 ans. Un album génial, qui, à deux doigts d’être incompris, se retrouve finalement reconnu à sa juste valeur.
Visuel © Getty Images / Jeff Kravitz