Sortie fin octobre 2011, la compilation « Smile Sessions » des Beach Boys fête ses neuf ans cette semaine.
Tous les jours dans Alpha Beta Nova (lundi au vendredi, 9h-13h), Sophie Marchand célèbre un anniversaire, d’une personne, d’un disque ou d’un événement.
Ce matin, on fête l’anniversaire d’une compilation culte sorti il y a 9 ans, mais qui aurait dû sortir 50 ans plus tôt : les Smile Sessions des Beach Boys.
Le tout début de cette histoire, qui vous allez voir, est rocambolesque, date de 1966. À l’époque, les Beach Boys viennent de sortir Pet Sounds, un album qui a surpris le public habitué au surf rock léger du groupe. Et c’est normal. Cet album a été imaginé par Brian Wilson justement pour surprendre, parce qu’il en a assez d’être considéré comme un enfant sage de la pop, lui qui rêve d’être un Beatles, ou au moins de composer des morceaux comme « A Day In a Life ».
Quand il sort, l’album Pet Sounds décontenance un peu le public adolescent du groupe, mais il plaît à la critique. Et pour Brian Wilson, c’est l’essentiel. C’est d’ailleurs ce qui va le pousser à aller plus loin et à se lancer dans la composition de l’album Smile. On est en 1966, et c’est un peu le début de la fin.
Parce que même s’il en est un des piliers, les Beach Boys, ça n’est pas son projet à lui et il peine à accepter les critiques ou les remarques de ceux qui l’entourent. Parce que Brian Wilson à cette époque-là, qui d’ailleurs, a décidé de vivre dans une tente berbère dans son propre jardin, consomme énormément de drogues pour lutter contre certaines névroses, certains troubles psychiatriques. Pour planer aussi. Et qu’il se met surtout une immense pression sur les épaules, travaillant jour et nuit à cet album qu’il espère être son chef-d’œuvre, qu’il rêve plus abouti que le Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles.
Avant la chute, tout de même le groupe a le temps de travailler, avec des orchestres, un nouveau parolier, pour enregistrer pendant 80 sessions d’enregistrement quelques vingtaines de morceaux.
Une compilation subjuguante, qui mettra du temps à se finaliser
Au bout de quelques mois, en 1967, à force de dissensions, de retards, de doutes et d’épuisement le projet se fissure. Brian Wilson plaque tout, laisse en jachère ses grands projets, et entre dans une longue et intense dépression mutique. Alors que tout est prévu, que les jaquettes sont imprimées, qu’elle médiatiquement annoncée, la sortie de Smile est finalement annulée. Cette annulation laisse des milliers de fans sur le carreau.
Il y a bien quelques morceaux qui ont déjà été enregistrés, mais ils sortent n’importe comment, dans des versions inachevées, mal mixées, évidemment pas comme Brian Wilson les imaginait. Ces mêmes fans vont tenter aussi d’éditer une version de l’album, en espérant coller au mieux à ce que leur idole aurait espéré. Mais pendant des décennies Brian Wilson, malade, ne parlera plus de ce naufrage musical.
Et puis, en 2002 après des concerts qui l’ont galvanisé, après des traitements aussi qui l’ont aidé, Brian Wilson se dit qu’il est temps de repasser sur son grand projet, de le revisiter, de le retravailler. En 2004, il décide d’abord de le réenregistrer avec des jeunes musiciens. Et puis, quelques années plus tard, il accepte de se replonger dans les sessions originales, dans les souvenirs douloureux, et les pistes merveilleuses. Ça va lui prendre du temps, de l’énergie, mais quand il va sortir ce disque va émouvoir tout le monde. Parce qu’il est l’aboutissement d’une histoire frustrante, que ces Smile Sessions sont subjuguantes, et qu’on se dit que oui, Brian Wilson tenait là son chef-d’œuvre.
Dix ans ou soixante ans plus tard, la beauté de ces morceaux est intacte.
On écoute « Vega-Tables ».
Visuel © pochette de Smile Sessions des Beach Boys