Marie Misset vous l’affirme : tout doit disparaître.
Notre journaliste Marie Misset l’affirme, dans la matinale, depuis le début de l’été : Tout doit disparaître. La preuve.
Rappelez-vous. Avant, si on voulait disparaitre, on partait acheter un paquet de clopes, et voguait la galère. Si on voulait passer un peu de temps tout seul, on partait dans une grande ville – de préférence -, et c’était gagné. Quelques jours sans madame Michu pour vous demander comment allait votre mère. D’ailleurs, certains se plaignaient de l’anonymat des grandes villes, où l’on pouvait mourir seul dans son appartement, être mangé par des chats sans que personne ne s’en rende compte, et ce dans une ville pleine à craquer de solitudes agglomérées. Mais cet anonymat, certains s’en délectaient.
Je ne vous apprends rien, nous vivons traqués
C’est fini tout ça, terminé, je ne vous apprends rien : nous vivons traqués. L’enterrement de nos vies privées a eu lieu il y a bien longtemps, et y avait pas grand monde pour y assister. Les entreprises, comme les États, connaissent vos goûts, vos déviances sexuelles, vos orientations politiques, vos recherches sur Doctissimo…
Il y a évidemment encore quelques résistants. Les ennemis de la machine, les anti-réseaux sociaux, qui, tel Ron Swanson, réussissent à effacer toutes leurs traces en lignes, et à à peine exister pour l’administration. Des résistants, qui, quand ils veulent tout de même un peu d’internet, se baladent sur Tor et écument le darknet.
Mais même pour eux, l’anonymat, c’est terminé. Déjà, ils ne peuvent pas se balader dix minutes dans Nice sans être filmé deux-cent fois.
The Intercept, site d’investigation créé par Glenn Greenwald (le journaliste qui a commencé à sortir l’affaire Snowden) révèle cette semaine que IBM collabore depuis 2012 avec la police de New York et a créé un logiciel de surveillance de masse, qui permettait notamment de catégoriser les individus en fonction de leur couleur de peau. Le logiciel a été abandonné l’année dernière par la police de NYC, mais il est utilisé dans au moins deux universités en Californie.
Quand on connaît par ailleurs les progrès des logiciels de reconnaissance faciale, ou la multiplication des vidéos de surveillance, on peut clairement s’inquiéter pour l’avenir de l’anonymat en ville. On peut d’autant plus s’inquiéter que ces logiciels sont toujours faillibles, en tout cas jusqu’à maintenant. Le magazine Usbek et Rica nous raconte ainsi qu’en juillet dernier, un logiciel de reconnaissance faciale développé par Amazon avait identifié, à tort, 28 membres du Congrès américain – dont 40 % de noirs -comme des criminels.
En Chine, il est obligatoire d’utiliser sa carte d’identité pour les voyages en train
Et pour ceux qui n’ont rien à cacher…c’est encore autre chose. En Chine, la police de Zhengzhou a utilisé pour la première fois cette semaine des lunettes de reconnaissance faciale, pour arrêter une trentaine de personnes dans une gare, dont vingt-six qui voyageaient sous une fausse identité.
Business Insider explique : « En Chine, il est obligatoire d’utiliser sa carte d’identité pour les voyages en train. Cette règle permet d’empêcher les personnes qui ont de trop grosses dettes de prendre des trains à grande vitesse, et de limiter les mouvements de minorités religieuses dont les documents d’identité ont été confisquées et qui peuvent parfois attendre des années pour obtenir un passeport. »
La solution prônée par certains pour déjouer les logiciels de reconnaissance faciale, c’est de se peindre le visage d’une certaine façon, afin que le logiciel confonde les traits du maquillage avec les traits de votre visage. Un des maquillages les plus efficaces serait celui des fans du groupe Insane Clown Posse, les juggalos. Un maquillage de clown. Du coup, pour rester anonyme, ça fonctionne peut-être, mais pour passer inaperçu, il faudra repasser.