Pour Beatrice Kilndjian, la directrice de Marstac, « un festival c’est un tout, une expérience unique ». C’est ce tout, « cette expérience dont on se souvient souvent longtemps après », qu’Arbuste, collectif de musiciens, bidouilleurs électroniques, scénographes et architectes, ouvert aux collaborations, formalise en parallèle de ses propres activités artistiques. Rencontre avec le scénographe Rémi Bosch et quelques-uns de ces acolytes.
Arbuste a dix ans. « Collectif de potes » comme ils se définissent, Arbuste s’est très vite enraciné dans le paysage, tout en tirant leurs créations vers les cimes des arts de la scène, de la rue, avec 21ᵉ siècle oblige, une inclinaison électronique affirmée. Il y a 10 ans, ils n’étaient pas nombreux à penser et agir ainsi, et encore moins à pimenter leurs réflexions de considérations écologiques, car comme l’a claironné notre Président : « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? ». Eux, manifestement !
2013/2023 : premier tronc son !
Revenons à leur acte de naissance daté du 26 septembre 2012. Un bulletin suivi un certain 12 janvier 2013, par un premier cri. En effet, nos visionnaires, musiciens, passionnés de musique assistée par ordinateur, scénographes et architectes, avaient emboîté le pas à l’Année Capitale Européenne de la Culture et proposé aux organisateurs de la manifestation un spectacle hors scène, une performance percussive, inédite et immersive pour 4 batteurs/percussionnistes au cœur du public, un Instrumentarium comme ils en parlaient alors.
Validé, ils le posaient à Aubagne, en ouverture de la manifestation qui allait modifier l’aura culturelle et touristique de Marseille et ses environs. Arbuste était bien né. Deux ans plus tard, après avoir fait vivre, en France comme à l’étranger et sous différentes formes, son Instrumentarium, le collectif inscrivait le dispositif sous son nouveau nom – Lacaj – à l’affiche de Marsatac implanté alors à la Friche la Belle de Mai.
Une Friche où ils ont fini par installer leur petit bureau puis dans un second temps leur lieu de travail d’une superficie conséquente. « Ainsi, on peut penser et réaliser nos nouveaux projets, fignoler nos dispositifs existants et stocker matériel et matériaux » commente e musicien Nathanaël Pinna. « C’est notre lieu d’expérimentation, un lieu où répètent aussi nos amis de Makoto San » ajoute Remi Bosch, qui s’occupe de la coordination des activités d’Arbuste et conçoit la scénographie de Marsatac. « À Marsatac », s’amuse-t-il, un sourire dans la voix, « je suis en charge de tout ce qui se passe quand le public n’est pas devant un concert. ».
S’adapter
« Après notre première participation au festival, on a beaucoup échangé avec l’équipe sur les aspects artistiques et la scénographie, d’autant que le festival en 2017 a basculé au Parc Chanot, un lieu qu’il a fallu investir, humaniser » se souvient-il. « Notre travail qui s’inscrit dans le domaine du spectacle vivant, combine installation, lumière, musique et interactivité. ».
En 2019, Arbuste conçoit Qu4dr4nt. Ce nouveau dispositif, pensé comme un hommage à la culture du sound-system offre alors au public de Marsatac, le plaisir de jouer son propre live à partir de commandes rudimentaires et de boucles enregistrées, et ce, en marge de la programmation sur scène, dans un espace non référencé, caché. « Notre force est de savoir adapter nos performances à l’environnement des festivals qui nous invitent, et à leurs publics » explique, un fer à souder à la main, Matthieu Pernaud, le geek de la bande, mais aussi producteur et compositeur. « L’expérience n’est pas la même à la Friche, au Parc Chanot ou au pied du Château Borély. ».
Arbuste, le Monsieur Plus de Marsatac
Au-delà de cette installation, ils pensent l’espace à vivre du festival, car ils considèrent tout comme l’équipe d’Orane à la tête du festival, que Marsatac ne se résume pas aux seuls concerts proposés, mais englobe tout ce qui a trait de près ou de loin à la manifestation (ses circulations, sa signalétique ou l’aménagement des différentes scènes en fonction des esthétiques proposées, ainsi que celui des lieux de repos, de rencontres ou de restauration). « On réfléchit à tout, pour créer une cohérence tout en cherchant à rendre chaque espace unique » explique Rémi Bosch, diplômé des Beaux-Arts de Marseille, de l’École Boulle (design d’espace) et du Conservatoire d’Aubagne (violoncelle) « avec un souci écologique constant » ajoute-t-il conscient comme dit le proverbe que c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses. « J’ai vu des bennes pleines partir à la déchetterie dans le meilleur des cas, vers les poubelles sinon, et nous ne pouvons faire comme si cela n’existait pas. Si le Festival zéro déchet et zéro empreinte carbone est impossible à réaliser, nous nous devons de chercher et de trouver tous les moyens de réduire ces deux données. Il en va de notre responsabilité. ».
Donc tout ce qui lui incombe est pensé, réfléchi et conçu à travers ce prisme. « Pour la signalétique par exemple, on privilégie les panneaux en bois peints plutôt que les bâches qu’on ne peut réutiliser. Le défi, c’est de réaliser d’une année sur l’autre des recettes différentes avec des ingrédients similaires. On installe des permanences dans le temps. C’est une sacrée gymnastique » concède-t-il avant d’ajouter « Au Parc Chanot, nous étions dans un environnement quasi industriel, fait de bitume et de goudron. À Borély, il faut composer avec la nature, la préserver et prendre en considération l’environnement urbain voisin, gérer le son. » Le son et la lumière, puisque le festival déroule sa prog au plus tôt dès 15h (le dimanche) et jamais après 2h du mat.
Le Kiosk
Toutes ces réflexions et ses mises en place se font en parallèle d’une activité artistique intense. Cette année, Arbuste innove encore. Son Kiosk, un ensemble de 12 caisses claires et 4 grosses caisses, posé dans la prairie, va recycler le son d’une des scènes, via des haut-parleurs accolés aux peaux des caisses qu’ils vont percuter, générant leurs propres rythmiques. « C’est une autre préoccupation que nous partageons avec Marsatac, celle de la création. Eux via leur agence d’artistes qui leur permet d’être au plus près des nouveaux courants et des nouveaux talents, et nous par nos expérimentations sonores. ».