La réponse est oui.
Dans Pour Que Tu Rêves Encore, la matinale de Marie Bonnisseau, Queenie Tassell transforme l’actu en œuvre d’art. Et nous présente des œuvres ludiques, engagées, barrées, dangereuses ou surprenantes qui font écho à une seule et même actualité. En mieux. Et ce matin, Queenie parle foot.
Le football, c’est de l’art
Hier soir avait lieu le match PSG-Naples, dans le cadre de la troisième journée de la Champion’s League version 2018-2019. 2-2, égalisation de Di Maria pour le PSG dans le temps additionnel. Voilà pour le côté factuel. Car il y a aussi un côté « intellectuel » que l’on doit évoquer aujourd’hui. L’art contemporain, notamment, s’intéresse depuis très longtemps au football. Parce que le football, c’est de l’art. Le foot est l’un des sports les plus populaires au monde, et ainsi, certains artistes s’en servent pour parler de la « foule », dans sa globalité.
Stephen Dean, et la foule uniforme
Stephen Dean, un artiste américain « actuel », a par exemple filmé les gradins du stade de Maracana, au Brésil. De ces images, il a fait un film de huit minutes, Volta, et des plans de quatorze supporters différents. Les supporters remplissent le cadre de la vidéo, il n’y a pas de perspective, et progressivement, la vidéo se transforme en vague de plus en plus abstraite. Les couleurs des équipes portées par les supporters sont très vives, très marquées. Très vite, elles ne sont plus que des tâches de couleurs, uniformes. La vidéo ci-dessous est à écouter très fort, afin d’en capter au mieux le côté festif, l’ambiance, et comprendre la ferveur des foules réunies autour d’un seul et même intérêt.
Maurizio Cattelan, et le racisme dans le foot italien
Certains artistes se montrent, a contrario, plus méfiants et plus critiques envers cette foule constituée par l’assemblage de supporters réunis autour de la même équipe de football. L’italien Maurizio Cattelan, par exemple, a choisi de dénoncer le racisme, particulièrement présent dans les stades du championnat italien. Et pour en parler, il a monté, alors qu’il n’est pas du tout coach, une équipe de foot amateurs de joueurs immigrés du continent africain. Puis il a installé un stand dans la foire internationale d’art de Bologne, en 1991, afin de proposer aux visiteurs de s’inscrire dans une équipe destinée à défier la sienne. Il a, de la sorte, organisé un tournoi clandestin en pleine foire d’art. Pour l’anecdote : son équipe n’a, à cette occasion, gagné aucun match…
Maurizio Cattelan a ensuite créé une œuvre, Stadium, un baby-foot de sept mètres de long, avec des bonhommes normaux dedans, mais où, de chaque côté, derrière les manettes, on trouve…onze joueurs de baby-foot. Et là, rebelote, il a remis son équipe de perdants contre les même équipes de visiteurs…qui ne sont donc toujours pas parvenus à jouer un match. Et la critique du racisme, dans tout ça ? Cette œuvre, pour Cattelan, faisait office de vecteur d’intégration et de mixité entre les joueurs de baby- foot – les immigrés et les visiteurs reliés par le jeu.
Marcel Duchamp, Djibril Cissé : duo d’étoiles
Plus concret encore, l’ancien international français Djibril Cissé a été transformé en œuvre d’art. L’idée vient du Nøne Futbol Club, un duo d’artistes français qui a demandé, il y a trois ans, à l’ancien joueur d’Auxerre, de Liverpool, de l’Olympique de Marseille ou de Bastia de tondre une étoile à l’arrière de son crâne. Il a même joué avec cette étoile au cours du match Bastia-Caen, en mai 2015. Entrée à la 88ème minute de jeu, il a simplement eu le temps de faire une tête, sur corner. Mais il n’a pas marqué. Bon, mais quel intérêt de faire adopter à Djibril Cissé cette coupe de cheveux, sachant que le joueur, très stylé, en a fait l’étalage de nombreuses autres durant sa carrière ? Le collectif a justement remarqué que les coupes de cheveux des footballeurs sont, pour eux, leur seule façon d’être originaux et créatifs pendant un match…et représentent ainsi la seule porte d’entrée de l’art dans le monde du football.
Cette étoile, en l’occurrence, n’est pas qu’un motif de plus ajouté sur le crâne de Djibril Cissé. C’était également un hommage à Marcel Duchamp, que l’on considère parfois comme l’un des pères de l’art contemporain. Duchamp s’était en effet fait tondre la même étoile en 1919 à l’arrière du crâne. Une photo existe de ça, c’est son pote Man Ray l’a prise. La légende veut que Duchamp se soit fait cette coupe à cause d’une invasion de poux en revenant de Buenos Aires. Pourquoi ne pas s’être, plutôt, rasé la tête ? Parce que Duchamp disait que ceux qui se rasent la tête c’est les moines, pas les artistes.
Pour conclure, l’art qui parle de foot, c’est l’art qui parle de la société d’aujourd’hui, du populaire. De ce qui nous rassemble, nous clive, ou nous fait vibrer. Et inversement le foot comme sujet, ou du moins son rayonnement fait parler de l’art.
Pour Que Tu Rêves Encore, une émission animée par Marie Bonnisseau, et réalisée par Emmanuel Baux. Du lundi au vendredi, 7h00-9h00.
Visuel : (c) Zidane, un portrait du XXIᵉ siècle de Douglas Gordon et Philippe Parreno