Si, dans le 33, Arès a son ovniport pour accueillir les petits hommes verts et autres émissaires galactiques, Bordeaux n’est pas en reste. Dans les replis urbains de « la plus belle ville de France, sans contredit » (dixit Stendhal, bien avant qu’Euratlantique ne pose ses blocs bétonnés), une petite asso secoue les puces de tout bon rocker bien renseigné. Depuis sa base arrière cachée, souterraine telle une cave aux chauves-souris, L’Astrodøme relie l’underground aux constellations, faisant dans le sidéral, le sidérant – de Syd Barrett à Sid Vicious pour donner une petite idée du spectre musical.
Que ce soit pour son Sidéral Psych Fest (dont, coulisse totalement anecdotique, un grand poster trône au-dessus du Mac sur lequel je vous tape ces lignes) ou pour ses concerts aux alentours, que le ciel soit ouvert ou emplafonné, la « petite boîte à musique amplifiée » (selon leur propre expression) sait s’y prendre pour rameuter avec elle des zigues capable de décoller le papier peint de la stratosphère, affolant indicateurs et instruments – de Boogarins à Toy, d’Arthur Satàn à Temples, de Zombie Zombie à Movie Star Junkies. Avec, à l’horizon, une date : celle du 23 septembre, où – croyons en une bonne étoile, qu’elle soit du barge ou du Berger sinon rien – les Berlinois de The Underground Youth devraient poser boots et amplis aux Vivres de l’Art. Mais avant ça, tendons le micro à Maxime « Maxel » Bur, l’un des maîtres d’œuvre de L’Astrodøme.
Racontez-nous l’histoire de la salle. Quelle est sa philosophie, son identité ?
L’Astrodøme n’est pas tout à fait une salle de concert. Certes, on a ce que l’on appelle notre QG, notre petit lieu associatif qui permet à une dizaine de groupes (en rotation) de répéter, qui nous permet aussi de stocker du matériel et, parfois, de faire des petits rassemblements avec nos adhérents. Mais on est surtout un collectif de musiciens, de techniciens, de professionnels du secteur de la musique ; une agence de production de concerts. On collabore avec plusieurs lieux bordelais, notamment les Vivres de l’Art, le Krakatoa, l’IBoat, et d’autres salles, plus petites, qui se font de plus en plus rares malheureusement.
On a aussi travaillé avec de nombreux collectifs locaux de musiques électroniques, comme Super Daronne, Ola Radio, la Jimonière ou L’Orangeade. On pense qu’il faut décloisonner un peu les microcosmes, il y a forcément un élan social dans ce milieu et il faut pousser à fond les collaborations, les rencontres. On souhaite transmettre le goût de la musique live dans les esthétiques qui nous parlent.
Comment définiriez-vous votre couleur musicale, votre ligne artistique ?
Notre direction artistique est essentiellement rock, du punk au garage, avec souvent du psyché qui se mêle à tout ça. On travaille avec des tourneurs nationaux comme internationaux, pour avoir la prog la plus large possible.
Le Festival Sidéral est un de nos temps forts qu’on souhaite développer. On l’a monté en 2018, on le coproduit avec l’association biarrote Musique d’Apéritif, des copains bien dynamiques et éclectiques, eux aussi, qui organisent des concerts rock et des soirées électroniques sur la côte basque.
Un des derniers événements / concerts programmés qui vous a tout particulièrement marqué.
En février 2020, juste avant ce chaos covidien, on a fait jouer Dewolff en mode soirée privée pour nos adhérents dans notre petit lieu. Environ 80 chanceux étaient là, et franchement c’était une claque énorme !
Sinon il y a aussi nos Astroshøws estivaux organisés en collaboration avec la ville de Bordeaux. On fait jouer des artistes sur les Quais, en bord de Garonne, en plein air ; c’est toujours un moment magique. Je me souviendrais toujours de Boogarins, un groupe brésilien psyché-pop incroyable, face aux Quinconces : c’était un voyage impressionnant, monumental. Le batteur, notamment, nous a cloué au sol.
Quelles sont vos projets, vos envies, vos utopies pour la suite, pour 2021 voire 2022 ?
On espère vraiment pouvoir proposer à nouveau des soirées en plein air, c’est toujours des moments fantastiques qui permettent aussi à des gens non-initiés de sortir de leur zone de confort, devant des artistes qu’ils n’ont pas forcément l’habitude de voir ou d’écouter. On a des beaux projets en cours avec la mairie pour cet été. On croise les doigts ! On a décalé notre troisième Sidéral Psych Fest – qui devait se tenir en mars 2020 – à mai 2022 : on aurait jamais cru devoir en arriver là…
Il va vraiment falloir que ça reparte, et vite. Les conséquences, psychologiques, financières, sur le secteur vont être, quoi qu’il en soit, colossales. On a vu pas mal de nos amis tenanciers de petits lieux indépendants de musique live tomber ces derniers mois, à Bordeaux – le Wunderbar, le Void, l’Avant-Scène, le Volcan, etc. – comme ailleurs. Mais on espère que derrière on assistera à une phase de reconstruction détonante ; nous on est chauds !